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Ziyan – Hakan Günday

GUNDAY-Ziyan-72dpiA vingt ans, il a rejoint l’armée pour son service militaire et est en poste dans une garnison de l’Est de la Turquie, là où les tensions avec les populations kurdes sont les plus vivaces, les plus violentes. Le risque d’affrontement avec le PKK plane au-dessus de la caserne, et la lutte contre la contrebande est le lot quotidien des soldats.
Il a vingt ans et il monte la garde par -20 degrés, les pieds figés, les mains se coulant dans le métal glacé de son fusil. Il n’y a ni guerre, ni paix. Et tandis que le froid l’escalade, qu’il allume des cigarettes, en dépit du règlement, pour avoir l’illusion de se réchauffer l’intérieur, son esprit s’enfuit. Comment en est-il arrivé là? Dans cette caserne, parmi ces fous, ces perdus? A quelle catégorie appartient-il lui-même? Et puis la réponse semble venir seule, lorsque, pendant ses gardes, un fantôme vient lui rendre visite régulièrement. Il dit être Ziya Hurşit. Il est mort en 1926 pour avoir comploté contre la vie de Mustapha Kemal Atatürk.
Folie, froid, prise de conscience? Les visites de Ziya vont guider le narrateur aux origines de l’état turc moderne, et le forcer à se confronter à sa propre vie.

Premier saut dans la littérature turque pour ma part, qui me laisse un bon goût de « reviens-y »! Hakan Günday est présenté comme un auteur montant et prometteur de la nouvelle génération turque, et je veux bien le croire.

Hakan Günday présente ici un roman à plusieurs niveaux. Tout d’abord ce jeune homme de vingt ans qui fait son service obligatoire dans une région froide et morne du pays, soumis aux pressions de sa hiérarchie, aux nouveaux fonctionnements sociaux, l’accommodation à ce nouveau mode de vie et les longues heures debout, le regard perdu au loin, protégeant le camp de l’ennemi envahi et se laissant engourdir par la bise qui gerce les mains, les lèvres et les pensées.
Les visites du fantôme de Ziya Hurşit viennent amener une profondeur historique. Ziya raconte au jeune soldat sa jeunesse et son engagement. De Dantzig où il était étudiant jusqu’à son retour en Turquie occupée, sa participation à la Première Guerre Mondiale dans la marine allemande, puis sa rencontre avec Atatürk, le fondateur de la nation moderne. Il commence par s’engager à ses côtés puis, déçu de voir le chemin politique suivi et les nouvelles élites produites, toujours aussi loin des besoins du pays, il change de voie et décide de tuer le Gazi.
La mise en parallèle de ces deux histoires en crée une troisième, la principale, celle qui se révèle en filigrane, doucement, entre les pages, et nous emmène dans l’esprit perdu d’un jeune homme qui ne sait plus qui il est, où, pourquoi…
Dénonciation de ce service militaire obligatoire qui détruit les jeunes hommes et fait tout sauf unir une nation, volonté de comprendre l’origine, du pays, du mal-être, le pourquoi du comment, qui finalement fait plus de mal que de bien, c’est le parcours initiatique d’un jeune homme à travers son histoire, pour donner du sens à son horreur quotidienne, si tant est qu’il y ait un sens à trouver.

Un très beau roman, virtuose dans son écriture et complètement prenant.

429 pages
Galaade Éditions

Marcelline

À propos Marcelline

Chroniqueuse/Co-Fondatrice

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