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Gilbert Sorrentino – L’abîme de l’illusion humaine

L’abîme de l’illusion humaine, tirant son titre d’un texte d’Henry James, est un anti récit absolu, écrit par Gilbert Sorrentino. Publié par la maison d’Editions Cent Pages, ce petit texte par la taille, est d’une richesse sans commune mesure.

Ne cherchez point de fil conducteur, de narration ou encore de personnage auquel vous rattacher. D’ailleurs le nom n’a pas d’importance, il est même quasi inexistant. Ne cherchez pas de lieu précis non plus, les indications sont discrètes et contextuelles quand le besoin se fait présent. Le temps est un facteur inexistant, il n’y a pas de chronologie particulière dans l’Abîme, mais plutôt des temps.
Découpé en chapitres courts, il y a autant de chapitres que d’histoires différentes, en fait non, histoire n’est pas le mot, on pourrait parler d’anecdote, de tranche de vie, de ressenti ou encore de chronique de quotidiens, comme si le lecteur se retrouvait devant un écran de contrôle et en pressant sur un bouton zappait d’une vie à une autre, apercevant seulement un bout de ci ou de ça, captant un rire, une crise, de la joie, de la colère, de l’amusement, etc… une sorte de succession d’instantanés. Découpé en cinquante chapitres, L’abîme de l’illusion humaine est le témoignage de l’absurdité de cette vie, comme aimait le souligner l’auteur dans différentes interviews.

« Il était peintre de troisième ordre qui croyait, parce qu’il avait commencé à peindre en Angleterre à dix ans, qu’il était né comme une sorte de prodige, d’un type qui ne pouvait tout simplement pas se développer aux Etats-Unis. Quand il arriva en Amérique à l’âge de quinze ans, aves son père et sa mère, il avait été inscrit dans un lycée public où ses maigres talent impressionnèrent ses professeurs, qui avaient glané leur connaissance de la peinture sur des cartes postales usées du Met et du Modern, du Art Institute of Chicago et du Frick, et ainsi de suite. Ils savaient que leur élève était – qu’était-il ?-, qu’il avait bien plus de talent et de savoir que tous autre élève de leurs classes, de tout le lycée d’ailleurs. Tous ces éloges et tout ce baratin renforcèrent l’idée extraordinaire qu’il avait de lui-même. »

Chef de file d’un mouvement littéraire sobrement intitulé métafiction, Sorrentino ne s’intéresse pas à l’histoire, mais à la langue, au verbe ou encore à la forme. Il choisi délibérément de malmener les mots afin de mettre en avant la beauté de la langue, et pour les lecteurs en langue originale, la beauté du langage, d’ailleurs il est à noter le remarquable travail de Bernard Hoepffner. On pourrait parler de roman expérimental, ou encore de texte monde, l’œuvre est clairement à part, mais marque une continuité dans l’univers de Sorrentino. Entre un hommage à Rimbaud, un à Henry James ou encore à Saul Bellow, et je présume beaucoup d’autres quand on connaît un peu l’univers de l’auteur, il continua avec ce dernier roman ce qu’il avait entrepris avec ces deux précédents titres (A Strange Commonplace” (2006) and “Lunar Follies” (2005), inédit en France à ce jour). L’absurde et parfois le non-sens, des situations comiques, une langue riche et variée et surtout une imagination débordante, à n’en pas douter « L’abîme de l’illusion humaine » est à lire, une première approche tout en finesse vers l’univers foisonnant d’un auteur, et qui peut-être vous mènera vers le très Joycien « Salmigondis ».

abime-de-lillusion-humaineEditions Cent pages,
Trad. Bernard Hoepffner,
120 pages,
Ted.

À propos Ted

Fondateur, Chroniqueur

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