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Interview Traducteur: Nicolas Richard

A l’occasion de la sortie de « Fonds Perdus », l’excellent dernier méfait de Thomas Pynchon, j’ai eu l’occasion de poser quelques questions à Nicolas Richard, le traducteur du dernier Pynchon qui avait aussi traduit son livre précédent « Vice caché ».
Traducteur de la même trempe que Christophe Claro ou encore Nathalie Bru, son nom, pour ma part, suffit à me vendre un livre lorsque que je vois cette fameuse mention « Traduction Nicolas Richard ». Voici ses réponses et je vous invite à fouiller sur le net pour voir la liste de livres traduit par ce dernier, car il y a quelques pépites dans le tas…

Fonds_Perdus1/ Pour ceux et celles qui ne connaissent pas Thomas Pynchon, comment décririez-vous l’auteur et son univers ?
Les romans de Pynchon mêlent facétie et érudition. Pynchon est une espèce de scientifique qui baigne depuis un demi-siècle dans l’acide de la contre-culture. Une sorte d’historien enroulé dans des volutes de beuh, qui fait de la BD avec ses phrases. Pynchon sait quelque chose sur l’art du dialogue et du scénario que personne d’autre ne sait.
Pynchon est un auteur qui fut lauréat du US National Book Award dès 1974 et qui aura réussi le tour de force de vivre toute sa carrière d’écrivain (il a aujourd’hui 77 ans, et il me semble peu probable qu’il change aujourd’hui d’attitude) sans parler une seule fois aux médias, ni faire la moindre apparition publique. On sait donc relativement peu de choses sur lui (ce qui ne veut pas dire qu’on ne sait rien de lui!). L’auteur n’ira pas faire de la retape à la télé, ne participera pas aux interviews, ne répondra pas aux questions. Conclusion : IL FAUT LE LIRE !

2/ De quoi parle « Fonds perdus » ?
« Fonds Perdus » est un polar new-yorkais aux mille facettes (avec de sublimes incartades en Amérique du Sud, au Québec et dans le Midwest). C’est sans doute le premier roman qui tente sciemment de fournir sur l’année 2001 non pas une photo, non pas une radio, non pas un scanner, mais un IRM : « Fonds Perdus » relève en effet de l’Imagerie par Résonance Magnétique et fournit des visions en 2D et en 3D de l’intérieur du corps de cet An 1 du millénaire naissant, dont certains peuvent penser qu’il a été engendré par le tourbillon noir du 11 septembre. La ville de New York y est interrogée, retournée, cuisinée tel « le témoin énigmatique qui sait ce qui s’est vraiment passé, mais n’a pas l’intention de le raconter », pour citer la formule de Donald Westlake (eh oui!) placée en exergue de « Fonds Perdus ».

3/ Quelle a été votre première approche de son univers, avec quel livre ?IMG_2995
J’ai découvert Pynchon par le versant « Vineland », (en 1991, je crois.), alors qu’il n’avait rien publié depuis 17 ou 18 ans et qu’on doutait même de son existence ! Premier contact paradoxal : les articles nombreux sortis à l’époque sur le roman et l’auteur m’ont donné envie de le découvrir, j’ai été à la fois charmé et rebuté, fasciné mais je me suis un peu embourbé dans cette première lecture de Pynchon, et je ne l’ai pas terminé : il n’empêche, à l’époque déjà j’ai eu le sentiment d’un univers unique, crypté, énigmatique.

4/ Est-ce l’éditeur qui vous a démarché pour la traduction ou avez-vous proposé vos services spontanément ? Comment se déroule le processus de recrutement du traducteur, car même si les traducteurs contribuent énormément aux succès d’œuvres étrangères, les lecteurs savent très peu de choses sur votre travail. Y-a-t-il une société secrète des traducteurs ? Un « Koh-Lanta » de la traduction où seul le dernier survivant obtient le boulot ? Le poste se joue-t-il a « pierre-papier-ciseaux » comment ça marche ?

Bernard Comment des éditions Fiction& Cie (Seuil) m’a demandé de le traduire ; du coup j’ai eu la chance de découvrir « Bleeding Edge » (le titre original de « Fonds perdus ») six mois avant sa sortie aux Etats-Unis, sur épreuves, et j’ai été envoûté à la fois par l’humour constant au fil des pages et puis par la mécanique implacable de l’enquête, la plongée dans le Deep Web qui est “structuré comme une décharge.

5/ C’est la seconde fois que vous traduisez Thomas Pynchon, comment se passe le processus de traduction et combien de temps a représenté le travail sur « Fonds Perdus » ?
« Fonds perdus » c’est six mois de ma vie, d’une intensité redoutable, une demi-année à vivre « pynchonisé » du petit matin au soir, six jours et demi par semaine. Heureusement, il existe une communauté très active de fans de Pynchon, qui sont prêts à essayer de répondre à toutes les questions qu’on peut se poser. J’invite d’ailleurs tous les curieux à jeter un œil au site web orchestré par Tim Ware, grand Pynchonphile d’Oakland, Californie, que j’ai d’ailleurs rencontré à plusieurs reprises (http://bleedingedge.pynchonwiki.com/wiki/index.php?title=Main_Page). J’ai été, en outre, en contact avec l’auteur, qui a aimablement – et avec humour — répondu à mes questions.

6/ Après vous être attaqué à des auteurs comme Pynchon ou Hoban, des auteurs réputés difficile à traduire, quel pourrait être votre prochain challenge ?
Mes deux critères pour choisir un livre que je vais traduire sont sa qualité littéraire et le plaisir que j’ai à le lire. Je ne cherche pas la difficulté pour la difficulté.

La-fin-du-vandalisme-Tom-Drury_w5257/ Quels sont les prochains romans que vous allez traduire ? Tom Drury ?
Oui, un Tom Drury, qui sortira en 2015 aux éditions Cambourakis, et qui, à ce jour, n’a pas encore de titre.
Une correspondance Jack Kerouac – Allen Ginsberg qui sort fin 2014 chez Gallimard.
Un document intitulé « Fairyland », de Alysia Abbott (aux éditions Globe) en 2015, que Sofia Coppola est en train de transformer en film.
L’excellent Rob Roberge, qui va sortir chez Gallimard aussi (son formidable ‘Panne Sèche’ était paru en Série Noire, et ‘A tout prix’ et un recueil de nouvelles chez 13eNote)

8/ Maintenant en tant qu’auteur avez-vous un roman en cours ou un projet de roman ?
J’ai un projet, mais tant que ce n’est pas terminé, je préfère ne pas en parler.

9/ Pour finir avez-vous eu un ou plusieurs coup(s) de cœur littéraire durant l’année ?
Plusieurs coups de cœur, oui, mais pas nécessairement en phase avec ce qu’on appelle « l’actualité littéraire » :
– « Hantements », le ‘roman-ruban’ de Stéphane Rosière intitulé : un déversement poétique dans la lignée, indirectement (!) de William Burroughs.
– « 90 Classic Books for people in a Hurry » de Henrik Lange : un concept illustré hilarant.
– « Les Mange-pas-cher » de Thomas Bernardt – du coup j’en ai profité pour relire dans la foulée « Des Arbres à abattre » et « Maîtres anciens » !
– « Romanciers pluralistes » de Vincent Message est mon livre de chevet depuis des mois.
Les poèmes de Seb Doubinsky en général.

À propos Ted

Fondateur, Chroniqueur

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