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Moby-Dick ; ou le Cachalot – Herman Melville

Moby-Dick ; ou, le Cachalot est un roman d’Herman Melville, publié en 1851. Il existe une version de 1850, publiée à Londres, mais celle-ci a été publiée contre le gré de l’auteur qui n’avait pas encore terminé les dernières révisions. Votre humble narratrice ne sait pas si elle est encore en vente, mais vous conseille tout de même de bien faire attention en choisissant votre copie du roman.

Votre humble narratrice s’attaque à une œuvre immense, dans tous les sens du terme, mais elle voulait vraiment dissiper la réputation de long roman ennuyeux que les lycéens doivent lire comme une sorte de martyr de l’éducation. Malgré son statut de classique, sachez cependant qu’il a été totalement ignoré à sa publication. Comme votre humble narratrice l’a précédemment dit : tout statut de ”classique” est soumis à l’histoire.

Moby-Dick est un roman tout à fait passionnant. Cependant, il peut faire peur : que signifie la baleine ? Comment comprendre tout ce vocabulaire sur les navires du XIXème siècle ? Quel est le véritable message du roman ?

Vous n’avez pas à avoir la réponse à toutes ces questions avant d’entamer la lecture. Ce dont vous pouvez cependant avoir besoin dans votre ‘kit de survie’ sont les choses suivantes :

  • un dictionnaire de termes marins. Malheureusement votre humble narratrice est sérieuse. L’auteur utilise moult termes concernant les navires, les vaisseaux, les voiles, le sens du vent… Si vous n’avez pas de dictionnaire à ce propos, Internet est votre ami, mais n’hésitez pas à rechercher quelques termes obscurs qui reviennent souvent, votre lecture sera d’autant plus agréable.
  • si possible, une bonne connaissance de la Bible. Que vous soyez religieux ou non, lire la Bible est une aide phénoménale pour la lecture d’un bon nombre de classiques. Si vous n’avez pas envie de lire la Bible avant d’attaquer Moby-Dick, sachez cependant que beaucoup de noms que vous allez croiser viennent de là et il vous sera utile de faire quelques recherches sur Ishmael, Ahab, Elijah… Croyez-en votre humble narratrice, cela vous aidera à comprendre l’intrigue.

Quelques conseils de lecture :

  • avant tout, votre humble narratrice pense que vous devriez oublier, mettre dans un recoin poussiéreux de votre mémoire, le fait que Moby-Dick est une œuvre classique. Ne prenez pas un ton trop sentencieux ou solennel avec l’œuvre car vous allez vous en gâcher la lecture. A la place, laissez-vous juste vibrer au même rythme que l’œuvre. Lisez avec un esprit ouvert car, après tout, si vous lisez des classiques, c’est surtout pour faire votre propre lecture et non pas vous contenter de celle qu’on vous impose. Donc, lisez attentivement, mais ne vous forcez pas à avoir une lecture trop rigide, n’imposez pas au texte, laissez le texte vous surprendre. (Si vous lisez pour un cours ou une recherche, ou un article, dans ce cas, les choses changent, bien évidemment…)
  • ne sautez pas les descriptions. Non, vous m’avez mal lue, je répète : ne. sautez. pas. les. descriptions. (souligné, gravé en lettres d’or au-dessus de votre foyer, tout ce que vous voulez…) Melville, contrairement à Dumas ou à Dickens, n’était pas payé à la ligne. Tous les mots sont là pour une raison, même si la raison n’est pas directement apparente. Quand Melville écrivait, il ne savait pas encore que des centaines de lectures critiques et de thèses allaient être écrites sur son roman. Par conséquent, ce qui est absolument nécessaire à la compréhension immédiate de l’œuvre se trouve dans l’œuvre (quelle révélation) Les descriptions sont une partie essentielle du roman : vous pouvez penser que la description du tableau dans l’auberge au chapitre 3 est absolument ennuyeuse et inutile, cependant, elle apporte un aperçu sur la visée du roman qui se révèlera plus tard et vous permettra de voir la lumière. De plus, si vous n’avez pas envie de fermer le roman et de jurer comme Ahab à chaque fois que quelqu’un prononce ”Moby Dick” en arrivant à la cétologie, votre humble narratrice vous en conjure : lisez la cétologie ! Il s’agit d’un chapitre entier sur la classification des baleines entièrement réalisée par l’auteur d’après ses propres recherches. Le travail est assez impressionnant mais surtout tout à fait hilarant : vous allez retrouver, dans cette classification des baleines, les dauphins et les tortues… De plus, votre humble narratrice est certaine que l’auteur n’a jamais vu un narval de sa vie. Jamais.

Vu que le roman a été écrit en anglais, le problème de la traduction se pose. Choisir une traduction  est fondamental. Si vous n’aimez pas le style du traducteur, vous n’allez pas apprécier le roman. Lorsque vous choisissez votre exemplaire de Moby-Dick, n’oubliez pas de regarder qui est l’auteur de la traduction ! Votre humble narratrice n’a pas lu toutes les traductions, en revanche, il se trouve qu’elle a assisté à un cours de deux heures sur la traduction de la première phrase du récit qui, en anglais, dit : ”Call me Ishmael”. Grâce à ce cours qui, à l’époque, a fait soupirer votre humble narratrice, elle peut désormais vous conseilleur deux traductions:

  • Jean Giono (oui, LE Jean Giono) a proposé sa traduction avec Lucien Jacques et Joan Smith. C’est la traduction que vous trouverez le plus souvent. Cependant, votre humble narratrice qui reste très humble ne peut s’empêcher de relever quelques maladresses, quelques phrases qui ne sonnent pas tout à fait juste. Sur une phrase, cette traduction est ingénieuse, mais j’ai bien peur que sur un roman entier, tout se mette à sonner faux. Après, votre humble narratrice n’est que ça : une humble narratrice, et Jean Giono tout de même. Essayez cette traduction mais si quelque chose vous gêne, je vous conseille plutôt…
  • Philippe Jaworski a proposé une traduction plus récente, datant de 2006. Cette traduction, légèrement plus difficile à obtenir, est celle que votre humble narratrice vous conseillerait car elle est plus récente, plus moderne. Le ton est juste, la lecture est fluide et, miracle des miracles, le lecteur ne se rend pas compte qu’il a une traduction entre les mains.

Bien évidement, d’autres traductions sont bonnes et c’est à vous de trouver la traduction qui vous convient, mais si vous voulez commencer quelque part, votre humble narratrice vous conseillera ces traductions-là.

Après toutes ces considérations bien sérieuses, passons aux choses plus ”funs” comme le texte lui-même :

Moby-Dick, donc, est l’histoire d’un jeune homme, Ishmael, qui, lassé de sa vie de professeur, décide de partir à l’aventure et de s’engager sur un baleinier. Il marche donc jusqu’à la ville portuaire la plus proche et s’arrête à une auberge. A ce moment-là, vous êtes probablement en train de vous impatienter, quand est-ce qu’on monte sur le navire etc etc… Mais ne sautez pas ce passage, vous allez rater des moments tout à fait extraordinaires. Votre humble narratrice parle surtout de l’arrivée de Queequeg. Donner trop de détails vous gâcherait ces moments splendides mais sachez que si vous sautez les chapitres d’introduction, vous raterez au moins la moitié du plaisir de la lecture de Moby-Dick.

Après moult aventures, Queequeg et Ishmael s’embarquent sur le Péquod, ce navire au mystérieux capitaine. Et les voilà partis pour ce qu’ils pensent être une simple tournée d’un an dans les environs pour chasser le plus de baleines possible. Or, notre cher Ahab daigne sortir de sa cabine pour annoncer en grande pompe qu’en réalité, ils vont chasser ce monstre qu’est Moby-Dick, la baleine blanche (ou le cachalot) La folie monomaniaque d’Ahab conquiert l’équipage à deux exceptions près, Starbuck et Ishmael.

S’ensuit la fameuse chasse à la baleine, pleine de pauses, de frustrations et d’opportunités de retourner sur le droit chemin qu’Ahab ignore. La chasse est entre-coupée de chapitres plus documentaires dédiés aux diverses significations de la couleur blanche (ne. sautez. pas. les. descriptions.), sur la façon dont on capture une baleine, dont on prépare une baleine, sur la vie de l’équipage à bord d’un navire…

Et votre humble narratrice ne vous racontera pas la fin pour laisser un peu de suspens. Elle se demande d’ailleurs comment elle a fait pour ne pas connaître la fin de ce roman avant de le lire alors qu’il s’agit d’un classique, mais elle est contente d’avoir été surprise par la fin. La fin jette une lumière sur le roman en entier.

Si ce résumé de l’intrigue ne vous a pas encore convaincu, voici quelques raisons pour lire Moby-Dick  :

  • votre humble narratrice n’est ordinairement pas une de ces enthousiastes qui qualifient absolument chaque œuvre classique de ”moderne’. Elle fait cependant une exception avec le roman de Melville car Moby-Dick est un roman incroyablement moderne ! Ishmael vit une histoire d’amour sans équivoque avec Queequeg. Oubliez ces séries et ces films qui pensent être ”edgy” parce qu’ils jouent avec l’idée que les personnages principaux sont homosexuels, Melville assume pleinement l’homosexualité d’Ishmael et de Queequeg qui sont décrits comme mariés. Littéralement. Melville lui-même était homosexuel (et amoureux de Nathaniel Hawthorne, l’auteur de La Lettre écarlate, avec qui il a eu une longue correspondance tout à fait magnifique mais qui malheureusement, ne retournait pas ses sentiments…) et il y a une profondeur et sincérité dans la relation entre Ishmael et Queequeg que vous aurez du mal à retrouver dans d’autres romans. Le thème du racisme est également abordé dans le cadre de la relation entre les deux personnages. En effet, Queequeg vient de Kokovoko (île imaginée par Melville, probablement sur le modèle de la Nouvelle-Zélande) Alors, bien sûr, Queequeg est appelé ‘cannibale’ et sa religion est ridiculisée, ce qui n’est pas très tolérant, mais Melville vous surprendra avec des phrases comme : ”Mieux vaut un cannibale sobre qu’un chrétien saoul.” qui, pour l’époque, est incroyablement ouvert d’esprit. Le chapitre 13 est incroyable pour sa tolérance également. Vous pouvez également faire une lecture écologique (voire vegan) du roman : dans le chapitre 65, par exemple, Ishmael affirme que manger d’autres animaux est une forme de cannibalisme (ce qui est légèrement contradictoire avec ses actes) Sans vouloir écrire un pavé, sachez juste que vous allez être surpris par la modernité du roman.
  • le narrateur, Ishmael, est un narrateur hors-pair. Il a ce charme du jeune homme qui découvre ce nouveau monde en même temps que le lecteur. Sa curiosité et son enthousiasme sont contagieux et vous vous retrouvez à lire sa cétologie avec attention simplement parce qu’il est tellement passionné à ce sujet que vous avez envie de partager cette passion. Il n’arrête jamais de parler et parler, ça le rend attendrissant. (Et puis, il y a sa relation avec Queequeg également…)
  • les personnages en général sont tout à fait passionnants ! De Starbuck (si vous pensez que l’Autre Nom vient de là, vous avez raison, ça vient de là) qui est terre-à-terre et qui joue selon les règles même quand elles vont à l’encontre de ses convictions, à Ahab qui est décrit de façon tout à fait lovecraftienne avant l’heure (il est décrit comme ”plus profond que les vagues” et ce n’est qu’un exemple) Votre humble narratrice vient de se rendre compte que sa chronique est en train de devenir aussi longue que le roman lui-même et ne s’étendra pas sur le sujet, mais sincèrement, tous les personnages sont passionnants !
  • le roman lui-même est très intéressant : comme nous l’avons déjà vu, le narrateur procède à de nombreuses digressions sur le registre documentaire, mais le lecteur peut voir également le roman se transformer en véritable pièce de théâtre très shakespearienne. La forme du roman s’efface pour devenir une pièce de théâtre, littéralement. Votre humble narratrice est encore agréablement sous le choc de la liberté que Melville prend avec la forme du roman. Beaucoup de romanciers modernes n’oseraient pas ce changement.

Récapitulons avant de se quitter :

  • Choisir votre copie de Moby-Dick avec soin est capital : faites attention à la date de publication, à la traduction que vous choisissez.
  • Mettez toutes les ressources dont vous sentez avoir besoin à votre disposition (dictionnaire, recherches pour divers éléments dont vous sentez l’importance…)
  • Ne vous laissez pas intimider par ce roman : il n’est pas du tout solennel et rigide, il est sublime et surprenant.
  • Cependant, lisez attentivement et ne. sautez. pas. les. descriptions. (sauf en cas exceptionnel)

Votre humble narratrice a honte de la taille de cette chronique. Elle est totalement désolée. Elle espère cependant ne pas vous avoir dégoûté du roman avant que vous l’ayez ouvert et elle vous encourage à lui donner une chance et à vous donner cette chance. Et elle n’a même pas commencé à vous parler des adaptations. Elle se taira à ce sujet. Sachez juste que le film Au Coeur de l’Océan va bientôt sortir et qu’il est adapté d’un livre qui a inspiré Moby-Dick. C’est une raison comme une autre de commencer à lire ce classique !

moby-dick cover

Folio Classique

trad. Lucien Jacques, Joan Smith, Jean Giono

741 pages

Anne-Victoire. 

À propos Anne-Victoire

Chroniqueuse

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5 Commentaires

  1. Bravo à l’humble narratrice

    Qui a trouvé le moyen de placer les termes:” humble narratice ” 24 fois en 160 lignes, c’est fantastique mais très chiant.

    Cordialement.
    J.R

  2. Oh, non, ce billet n’est pas trop long, il est fantastique… si je n’avais pas déjà lu Moby Dick, il m’aurait convaincue de le faire !
    Je crois que c’est un roman qui doit se lire plusieurs fois tant il est riche de sens (au pluriel). Lors de ma lecture (la première pour l’instant), je me suis surtout laissée emporter par sa dimension romanesque.

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