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Pablo Casacuberta – Ici et maintenant

Ici et maintenant est le deuxième roman traduit en français de Pablo Casacuberta qui fait encore preuve d’originalité et d’une finesse psychologique redoutable pour nous parler de “l’art délicat de grandir” : ce passage obligé où le corps et l’esprit sont tiraillés de toute part, où les ressentis, le savoir, la conscience temporelle changent, où “(…) [l’]on est en même temps “ici” et loin, ou enfermé dans un présent qui cependant ne se limite pas au “maintenant”.” Voilà un roman brillant et maîtrisé par un auteur à découvrir et à suivre si ce n’est pas déjà fait !

“Je ne sais pas pourquoi, mais pendant un seul jour et une seule nuit, j’ai reconsidéré complètement ma vie, je me suis senti mourir, disparaître et briller, exploser et imploser…”

En équilibre fragile dans la zone frontalière entre l’enfance et l’âge adulte, Máximo Seigner oscille entre les maladresses de l’adolescence et une conscience aiguë de son existence et de la nature qui l’entoure.

À presque dix-huit ans, il est autant obsédé par ses quelques poils au menton que par ses connaissances encyclopédiques. Lasse de la tristesse de sa mère, des visites intempestives de l’oncle Marcos et de la fourberie du “nain”, Máximo est bien décidé à trouver du boulot et quitter le domicile familial. La petite annonce de l’hôtel Samarcanda – découpée à l’instant dans le journal du dimanche – semble être l’occasion rêvée de tourner le dos à l’enfance et côtoyer de plus près le monde des adultes. Máximo en est convaincu et a déjà imaginé mille scénarios possibles : rencontrer des explorateurs et des scientifiques de tout horizon avec qui partager son savoir par exemple. Sinon pourquoi serait-il précisé “hôtel de classe internationale” dans l’offre d’emploi ?

C’est donc dans un mélange d’espoir et d’appréhension qu’il se porte candidat, mais vous vous doutez bien que rien ne va se dérouler comme prévu. Car si Máximo a tendance à se projeter dans l’avenir avec la même facilité qu’il se laisse envahir par ses souvenirs, il n’a pas l’aisance de son frère cadet pour s’adapter aux situations les plus inattendues. Et ce n’est pas la déstabilisante Camila Badembauer, patronne de l’hôtel, qui va lui faciliter la tâche !

Pour tout vous dire, Máximo est plutôt malingre, se nourrit d’articles scientifiques et historiques, a pour passe-temps favori l’entomologie et entretient sa culture générale comme si sa vie en dépendait. Il aime tout ce qui est de l’ordre du détail et de la décortication, allant des mécanismes de la pensée aux fulgurances émotionnelles qui le traversent, du cycle de vie du saumon au comportement de la loutre, de la structure des métaux au pourquoi du Nil…

“Je décidai finalement (…) de réfléchir à mon père, à mes perspectives d’avenir, au sort de ma mère et du nain, à l’idée de me raser régulièrement, à l’inévitable et progressive invasion de mon espace intime par les femmes, à la peur de rester petit avec des jambes arquées, à l’importance du calcium en l’occurrence, à l’équilibre acido-basique, au bizarre filigrane de la chaîne carbonée, à la cohésion interne des atomes, et avant que cette ampoule de plus en plus petite m’emmène dans les particules subatomiques, la conscience m’abandonna, ou plutôt se retira dans une pièce interdite pour moi, le Máximo Seigner qui se parlait à lui-même à l’état de veille.”

Autant dire que son esprit est constamment préoccupé par un fatras de pensées aussi éclectiques (et potentiellement inutiles selon sa mère) que complexes : une manière comme une autre de traverser l’adolescence et d’affronter le monde quand on n’est pas de nature sociable, que notre père est parti sans explication quelques années auparavant et qu’on a la désagréable sensation de devoir batailler constamment pour se frayer un chemin dans la vie.

Pablo Casacuberta avait déjà fait parler de lui avec Scipion où il est également question des relations père-fils, de la maturation affective et de la transmission. On y retrouve aussi ce triangle érudit que forment, par interdépendance, les Sciences, l’Histoire et la Psychologie. Trois domaines de connaissance et de réflexion qui sont autant de manières d’aborder l’existence, ses origines et ses tourments.

Ici et maintenant - Pablo Casacuberta

éd. Métailié, 2016
164 pages
Traduit de l’espagnol (Uruguay) par François Gaudry

Pauline

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Chroniqueuse

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