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Le nénuphar et l’araignée – Claire Legendre

Petite gitane qui lit la vie au creux de la main, tu prédis la longueur de la vie. 27 ans, c’était pourtant ce qui était marqué, mais quand la ligne est franchie et que Claire est toujours pleine de vie, la mort devient monstrueuse. Rien ne l’empêche à présent d’entrer sans frapper.

Avant cela, ce sont les années dorées, la jeunesse pleine de vie, prête à tout pour croquer, la dévorer cette vie. Car elle est tournée tel un long-métrage, jeunes femmes scénaristes, colorées, qui portent le masque pour mieux brûler la vie. Elles sont les maitresses de leur destinée, persuadées de pouvoir décider de quand et comment mourir. Le récit s’ouvre sur ces années où l’invincibilité de la jeunesse sort triomphante de la mort.

Depuis c’est l’hypocondrie et la peur de mourir ou plutôt, de se faire avoir par l’araignée cachée dans un recoin sombre de la chambre, qui vous surprend alors que vous pensiez être seul. Avoir peur d’avoir peur et la boucle se pavane, jamais vraiment bouclée. Le pire est peut-être de vouloir les faire taire, inhiber les symptômes de ces angoisses, les cris et les pleurs, capturés, enfermés, la clé abandonnée. La médecine et les anxiolytiques le permettent. Un cachet et plus rien ne sort du corps alors que tout est pourtant prêt à déborder.

“Le troisième a posé la main sur mon plexus et a dit : vous pouvez pleurer si vous voulez. Le temps que je m’étonne, que je me récrie : mais non voyons pas du tout – ça a jailli de mes yeux comme un geyser, toute ma tension nerveuse prisonnière, c’étaient des pleurs paisibles, d’épuisement. Après avoir franchi l’océan à la vitesse de la lumière, je me suis dit que c’était la moindre des choses d’avoir le vertige. Le moindre mal.”

Claire Legendre capture et captive le regard sur nos angoisses les plus intimes, tenues secrètes de peur qu’elles ne s’évadent et ne se concrétisent. Mais elles ne sont pas silencieuses en vérité, elles dorment tapies dans l’ombre pour mieux nous submerger, nous secouer l’âme et faire trembler nos lèvres. Démons universels qui renvoient le reflet de nos propres fragilités, qui prennent ici corps et vous enlacent. Décortiquer les mécanismes de la peur, faire l’autopsie du corps et de l’esprit pour mieux comprendre la vie et ce qui empêche le bonheur de s’installer, de poser ses valises et de rester.

Lorsque le papillon (le nénuphar de Claire et de Chloé) est diagnostiqué et que la vraie peur remplace les fausses, c’est l’urgence de vivre qui explose, la nécessité de s’en sortir et de ne jamais cesser de lutter. L’émotion est à son paroxysme lorsque Claire Legendre délivre l’inventaire de ses peurs, mots et angoisses jetés sur le papier dans un dernier cri pour exprimer ce que le corps a peut-être trop longtemps tenu caché. Une écriture pour exorciser le mal en l’envoyant valser sur la page blanche, Le nénuphar et l’araignée est le reflet des vertiges que l’on expérimente de loin ou de plus près, verbalisés avec beauté et sincérité à travers cette expérience personnelle qui touche à l’intime… de l’humanité. Un récit sublime qui entendra résonner en vous, le bruit de son écho.

“J’ai peur de vivre en vain. J’ai peur de ne plus jamais être aimée. J’ai peur de ne pas vraiment vivre. J’ai peur que ma mère vieillisse et qu’elle meure. J’ai peur qu’elle ne meure jamais et m’oblige à lui briser le cœur en lâchant avant elle. J’ai peur d’avoir pensé à cet homme en vain. J’ai peur que personne ne caresse plus mes cheveux. J’ai peur qu’on m’oublie, j’ai peur qu’on me remplace.”

le nénuphar et l'araignéeLes Allusifs

100 pages

Lucie

À propos Lucie

Chroniqueuse

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