L’une des sagas de science-fiction et d’horreur écologique les plus marquantes du XXIe siècle fait son grand retour. Dix ans après ce qui était censé être la conclusion de la trilogie du “Rempart Sud”, l’écrivain américain Jeff VanderMeer nous plonge à nouveau dans les méandres de la mystérieuse Zone X avec “Absolution”. Un quatrième volume surprise, un roman qui ne se contente pas de satisfaire les amateurs du genre, mais qui explore les origines de l’inexplicable.
Une saga qui prit place avec « Annihilation » et déployait en trois tomes un univers complexe. Une trilogie qui ne faisait que suggérer des explications aux lecteurs, sans jamais lui donner les solutions. Ce qui fait que le lecteur ressortait cette oeuvre avec la sensation d’avoir vécu quelque chose d’inexplicable et qui portait en son sein plus de question que de réponse.
Des efforts désespérés de l’agence gouvernementale Central pour comprendre et contenir la Zone X, une étendue côtière transformée en un environnement étrange et mutable, où les lois de la nature et de la physique sont réécrites jusqu’aux conclusions souvent tragique et mystique, rien ne nous permettait de vraiment tirer une ligne directrice globale afin d’y voir plus clair. Il y avait un contrat avec le lecteur, accepter d’être perdu dans la Zone X, tout comme les différents explorateurs et exploratrices.
“Absolution” déplace le curseur temporel pour nous parler de l’émergence de la Zone X, en parcourant trois périodes ( vingt avant, dix ans avant et la toute première expédition). Le point commun entre ces trois périodes ? Trois personnages, tour à tour acteur et fantôme. Tout d’abord « Old Jim », un agent de Central, sorte d’espion désabusé, ancien alcoolique, marqué par la fuite de sa fille, Cass. Old Jim est l’enquêteur de terrain qui nous parle des événements dans un premier temps, avant de devoir plonger à son tour dans ce lieu inquiétant qui semble se transformer. En parallèle et surtout en filigrane, nous avons Jack, le fameux Jack d’ Acceptation. Il gère les agents de terrain, il magouille, il est toujours aussi trouble et inquiétant. Enfin en guise de troisième personnage, nous suivons Lowry, lors de la première expédition, et que tout comme Jack nous découvrions dans Acceptation. Entre résumés des rapports d’une expédition scientifique par Old Jim, puis une enquête de terrain prenant des airs de roman d’espionnage, pour enfin finir par un récit d’horreur métaphysique dans son dernier tier, nous sommes face à un roman protéiforme.
Alors, « Abslution » est-il une réussite ou bien du « Fan service » ?
VanderMeer fait du VanderMeer, et le fait très bien, le récit est dense, onirique et déroutant, il joue même l’alternance entre récits, réflexion et flux de conscience, créant des entrelacs narratifs apportant une couche de trouble et d’incertitude quant à ce que nous lisons. Ici nous doutons de tout, y compris de la mémoire, de la perception et de la fiabilité des narrateurs.
“Absolution” ne vous aidera pas à tout comprendre, ne vous apportera aucune réponse définitive, et peut-être même vous offrira quelques questions supplémentaires en sus.
Jeff VanderMeer n’a pas choisi la facilité ni voulu faire plaisir à ses lecteurs. L’auteur poursuit son périple dans la Zone X et continue à construire un univers étrange, s’articulant autour de la science, de la philosophie et du paranormal.
“Absolution” est une nouvelle pierre monumental à l’édifice du Rempart Sud. C’est une œuvre qui embrasse pleinement son univers, dans un mélange de science-fiction, d’horreur et d’allégorie politique. C’est une lecture qui peut paraître exigeante, mais qui récompense le lecteur par son inventivité, sa profondeur thématique et la beauté mélancolique qui s’en dégage. Un nouveau tome que vous pouvez lire en premier comme en dernier, mais un nouveau tome indispensable.
Au Diable Vauvert,
Trad. Gilles Goullet,
544 pages,
Ted.
Un dernier livre avant la fin du monde WebZine Littéraire