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Ravive

Romain Verger – Ravive

Ravive est un recueil de neuf nouvelles ou un roman en neuf fables sur la difficulté de l’Être. L’écrivain parisien nous embarque dans sa maison d’enfance sur la côte bretonne, lieu déserté propice au voyage intérieur, à la résurgence des angoisses enfantines et aux errances fantasmagoriques. L’homme revient chargé de son histoire d’adulte meurtri par les blessures que contiennent ces vieilles pierres, les falaises mystérieuses bordant la plage Quo Vadis et le village mourant.

Et tandis qu’elle te siffle, ses yeux s’emplissent d’humeurs pulsatiles aux couleurs sanguines d’anémone que lui transfuse cette bouche vissée à ton nombril, qui n’en finit plus d’avaler ta chair et la chair de ta chair, mâchonnée, liquéfiée dans le fleuve limoneux de l’oubli où rien ne procède plus de rien, où tout s’aplani, où rien ne compte ni ne pèse, où rires et larmes s’égalent, et déjà les mains qui ont recueilli tes premiers cris se retournent comme des gants pour en couvrir les tiennes, et le vide dans ton ventre se contracte pour t’expulser.

Le récit psychanalytique se déploie dans les astucieux enchaînements de mots, dans le jeu sur les signifiants et les signifiés. La mer est la mère, la femme se confond avec l’océan dans ce qu’il a de plus rassurant et de plus effrayant, le ventre, qui souffre tant des angoisses, a besoin de se remplir, de se transformer en un espace de renaissance. L’ “hippocampe enkysté”, cette partie du cerveau jouant un rôle central dans la mémoire, se transforme en fantasme d’un homme hippocampe, cet animal marin dont la gestation est réservée au mâle.

Le recueil s’ouvre donc avec Château, le récit à la première personne d’un traumatisme d’enfance. Puis, la première personne laisse place à des narrations à la deuxième ou à la troisième personne, astuces narratives pour prendre de la distance avec le douloureux récit des traumas et, ou pour raviver, notamment avec l’utilisation de la deuxième personne, chez le lecteur ces angoisses universelles de vide et de mort.

Quand tu ne trouvais pas le sommeil, tu descendais à l’atelier pour les voir et les toucher. Les odeurs de glycol et de résine cédaient sous le parfum frais, l’imbroglio de chairs tendres se déliait et les poupons se dépliaient un à un de leur nuit comme des boutons de roses. Ils roulaient la tête, dérouillaient leurs articulations et te tendaient leurs petites mains.

Étrange sorcière qui fabrique des bébés dans son sous-sol (Reborn), hommes-soleils qui s’adonnent à des jeux pervers au nom d’une étrange divinité ou d’un délire paranoïaque (Les hommes-soleil), village peuplé de monstres, défigurés et désarticulés par un désastre écologique (Anton), le lecteur marche sur un fil tendu entre le tourbillon de l’angoisse fantastique et celle plus intime de l’auto-fiction.

 

Sonia

 

Ravive

Ravive, Romain Verger, éditions de l’Ogre, 186 pages, octobre 2016

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