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Agnes Grey – Anne Brontë

 Agnes Grey est un roman écrit par Anne Brontë et publié en 1847, sous le nom de plume Acton Bell. Le nom masculin lui a permis de se faire publier à une époque où les femmes n’étaient pas bienvenues en dehors de la sphère privée de la maison.

(Le film To Walk Invisible, réalisé par Sally Wainwright pour la BBC, explore cette réalité sous la forme d’un sublime biopic sur la famille Brontë)

Anne est la benjamine de la famille Brontë et est souvent la moins connue et la moins lue. A côté des landes exposées aux vents où les fantômes murmurent et des femmes enfermées dans des greniers, Anne Brontë semble plus effacée, mais non moins fascinante.

Agnes Grey est son premier roman publié un an avant son second et dernier roman The Tenant of Wildfell Hall. Anne Brontë est ensuite victime de la tuberculose et meurt en 1849, à l’âge de 29 ans. Malgré son jeune âge, elle laisse derrière elle deux sublimes romans au style incroyablement parfait. En lisant Agnes Grey, vous aurez souvent l’impression de lire un roman de Jaune Austen, pour vous donner une idée de son excellence.

L’intrigue est simple : Agnes Grey est l’autobiographie d’une jeune femme qui, pour aider financièrement sa famille, devient gouvernante. Elle est d’abord employée par les Bloomfield, où elle est chargée de l’éducation de Tom et de Mary-Ann et, plus tard, des autres enfants. Cependant, ces enfants sont cruels et n’ont absolument aucun goût pour les lessons qu’Agnes tente de leur donner. Quant à Mr and Mrs Bloomfield, ils sont principalement absents, sauf lorsqu’il s’agit de reprocher à Agnes le manque de progrès que font leurs enfants, tout en lui interdisant de les punir…

Après un an de vains efforts, Agnes est finalement renvoyée et rentre chez elle. Loin d’être découragée par sa première expérience, elle décide de s’enrichir des difficultés qu’elle a rencontrées et tente à nouveau sa chance à Horton Lodge.

Ses élèves sont deux jeunes filles, Rosalie et Matilda Murray. Je vous le donne en mille : elles ne sont pas plus faciles à éduquer. L’aînée, Rosalie, est sûre de son charme et l’utilise pour jouer avec ses prétendants et la cadette, Matilda, est plus intéressée à chasser et jurer comme son père qu’à apprendre les manières d’une lady. Agnes fait donc de son mieux pour remplir son rôle de gouvernante mais doit avouer qu’elle fait très peu de progrès. Le lecteur s’attend à un encore de la famille Bloomfield, mais arrive alors… le nouveau pasteur, Mr. Weston !

Je vous laisse découvrir le reste.

Si l’intrigue parait simple, les thèmes qu’elle soutient le sont nettement moins. Comme vous pouvez le deviner, le thème principal est l’éducation. Avant d’affronter ses élèves, Agnes a une vision idéalisée de son rôle de gouvernante qu’elle remet en question chez les questions, puis elle est renvoyée, puis elle se promet de faire mieux, puis elle se retrouve face à d’autres difficultés de la même ampleur chez les Murray… Anne Brontë refuse toute idéalisation de la position de gouvernante et elle n’hésite pas à montrer ses élèves comme de jeunes tyrans cruels qu’il est extrêmement difficile d’éduquer. Si elle ne démonise pas les élèves d’Agnes, l’auteure ne prend pas non plus des gants et décrit une aristocratie décadente avec un courage incroyable pour une jeune femme de son âge.

Agnes Grey aborde non seulement la question de l’éducation, mais tout particulièrement l’éducation des femmes. En effet, dans la deuxième partie du roman, Agnes tente d’inculquer quelques valeurs à Rosalie et Matilda, à travers ses lessons, mais les deux jeunes filles semblent imperméables à tout ce qu’Agnes leur communique. Cela conduit à la triste fin de Rosalie. On peut retrouver, dans l’insistence d’Agnes Grey au pouvoir libérateur de l’éducation des femmes, un écho de l’œuvre de Mary Wollstonecraft qui militait pour le droit des femmes à l’éducation dans son traité A Vindication of the Rights of Woman en 1792.

Anne Brontë est très loin d’être la soeur effacée et inintéressante de la famille Brontë. Elle adresse directement des thèmes que ses soeurs ont juste mentionnés comme le statut social de gouvernante. En effet, même si Agnes est chargée de l’éducation des enfants de la famille, elle n’est pas pour autant mieux traitée qu’une servante : plusieurs chapitres sont consacrés à la façon dont la famille pour laquelle elle travaille l’ignore complètement ou se montre condescendante envers elle. Le lecteur découvre le statut social ambigu d’une gouvernante : elle plus qu’une servante mais moins que la famille dont elle éduque les enfants. Même si ce thème est abordé dans Jane Eyre, le réalisme d’Anne Brontë dépeint cette ambiguïté plus en profondeur et n’oublie pas d’explorer la condition des classes plus pauvres à travers plusieurs portraits pleins de compassion et d’humanité.

Car Agnes Grey est avant tout un roman qui loue la douceur et la compassion. Même si ses élèves se comportent de façon monstrueuse envers elle, Agnes fait de son mieux pour poursuivre leur éducation et même lorsqu’ils ne sont plus leur responsabilité, elle leur rend tout de même visite. Agnes fait aussi preuve d’une immense compassion pour les animaux qu’elle tente sans cesse de sauver des tortures que ses jeunes élèves tentent de leur infliger. La compassion envers les animaux est toujours le caractère d’un bon personnage dans ce roman (Ceci est un indice crucial pour la lecture)

Vu l’intrigue et le thème principal du roman, on pourrait lire Agnes Grey comme un bildungsroman, un roman d’apprentissage, cependant, il s’agit plus d’une illustration des principes de l’auteure à travers son personnage principal qui, en somme, n’évolue pas vraiment, mais se bat sans cesse pour maintenir ce en quoi elle croit. L’histoire d’amour qui occupe la deuxième partie du roman n’est certes pas aussi dramatique que celle de Jane Eyre (et la première personne qui me dit que Wuthering Heighs est une histoire d’amour me trouvera devant sa porte, livre en main, prête à lui démontrer que non) et est marquée par le tendre geste de cueillir des fleurs et trouve son apogée dans le délicat toucher de coude des deux amants, ce qui peut faire sourire le lecteur le plus sceptique.

Cependant, le roman entier prône la sympathie et la compassion et le lecteur ne peut s’empêcher de les accorder aux personnages principaux. Et puis, qui peut lever les yeux au ciel lorsque le héros fait ses deux entrées principales avec un animal qu’il vient de sauver sous le bras ? Agnes Grey est un roman qui peut nous paraitre simple dans son style, dans son intrigue et dans sa lecture, mais cette apparente simplicité est en réalité la marque d’une maîtrise du roman et de thèmes complexes absolument sublime pour le premier essai d’Anne Brontë qui ne mérite en rien le silence qui l’entoure encore.

400 pages
traduction par Charles Romey
éditions Archipoche

À propos Anne-Victoire

Chroniqueuse

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