Direction le Japon pour le dernier volume en date de la série semestrielle Midnight Tales, avec cette fois-ci un récit unique se déroulant à travers plusieurs années et plusieurs points de vue sous fond de véritables faits historiques.
En s’inspirant des Kaiju, monstres géants apparus dans le folklore nippon il y a quelques décennies, et des catastrophes nucléaires voulues ou accidentelles, les scénaristes mêlent fiction et réel dans un tome plus porté sur la psychose des personnages que sur l’Ordre de Minuit même.
Dés le premier récit, on est directement plongé au cœur de l’action et de l’horreur: le 6 août 1945 à Hiroshima, date et emplacement de l’une des tristement célèbres bombes nucléaires lâchées lors de la Seconde Guerre Mondiale. A bord des avions de guerre Enola Gay, un groupe de sept femmes survole leur cible à abattre: une énorme créature radioactive à l’origine de cette catastrophe, soulevant une vague de chaleur de prêt de 4000 degrés et provoquant un rayonnement mortel tuant 70 000 citoyens. Camouflé sous les traits d’une arme d’origine américaine par l’Ordre de Minuit, ce Kaiju nucléaire ne semble malheureusement pas être le seul de son espèce. De l’escouade d’élite envoyée sur le terrain, seul Makoto Kino survie, fragilisée mentalement par la vue des corps carbonisés errant et des ses sœurs sacrifiées. Malgré toute cette horreur et son état instable, elle décide d’adopter une petite fille, Kyoko, qui lui succède dans la traque aux démons.
Ces deux femmes ponctuent les cinq histoires format bd de ce volume, passant de narratrices à personnages secondaires au fil de l’évolution temporelle et des autres protagonistes en action. De ce fait, on peut plus se plonger dans leur psychologie personnelle à travers leur relation tendue, leurs attentes mutuelles contradictoires et l’environnement mouvant autour d’elles.
Néanmoins, à travers l’ensemble des Midnight Girls de ce tome 3 c’est le courage et la dévotion inébranlable qui ressort le plus. Dans Mokusatsu, Baptiste Pagani et Mathieu Bablet s’inspirent du sens du sacrifice des kamikazes (normalement uniquement masculin selon la tradition) et dans Bâton de cendre on voit des femmes résolues et fortes, matures et émancipées.
Le contexte historique japonais, marqué par les catastrophes nucléaires (Hiroshima, Nagasaki ou encore Fukushima résonnent aujourd’hui comme les scènes de drames aux conséquences désastreuses) et également par une scission forte entre la tradition et le modernisme est un terrain parfaitement adéquate aux aventures de Midnight Tales. A cela s’ajoute le folklore riche, abondant de Yokais en tout genre et de Kaiju puissants jouant le rôle d’ennemis à abattre pour la survie de l’espèce humaine. Cependant Les sœurs de Sélène, illustré par The Neb Studio, remet en question ce leitmotiv ancestrale, le rôle et l’essence même de l’Ordre de Minuit en mettant en scène un tout nouveau groupe prônant le pacifisme avec ces êtres venus d’ailleurs. S’agit-il du prémisses de nouvelles aventures pour la saga Midnight Tales?
Ce volume spécial Japon rempli ses promesses de mystère et de surnaturel tout en apportant une nouvelle dynamique à la narration de la série. En allant plus en profondeur dans l’histoire des personnages et en s’appuyant sur une chronologie réelle et continue, il se démarque des deux tomes précédents au rythme un peu plus dispersé tout en amorçant des prémisses narratifs prometteurs pour le prochain tome.
Ankama Editions
Label 619
136 pages