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Anna Starobinets – Le Vivant

Imaginez-vous un monde nouveau au cœur duquel la communication entre les hommes n’est plus que virtuelle. Un monde composé de strates immersives dans lesquelles les êtres se plongent, s’informent ou se divertissent. Une planète sous tutelle du Vivant, organisme monstrueux et captivant tout à la fois. Les hommes ne sont que des ouvriers prêts à tout pour le servir, ils sont une partie de lui, vivent, procréent et meurent pour lui. Sur cette planète ; trois milliards d’êtres se soumettent aux lois du Code et de la réincarnation. Mais l’harmonie connait son trouble, une anomalie au sein du Système, un individu nommé Zéro et dont les gènes n’ont jamais connu d’antécédents.

Les strates sont des extensions des êtres, un prolongement de leur esprit sous forme de réseau social permanent. Relié directement à leur cerveau, la déconnexion est rare et de quarante minutes maximum, la dépendance quant à elle, est extrême. Des logiciels à la technologie hyper-avancée permettent aux hommes de se divertir, de se détourner d’eux-mêmes au profit du Vivant, de ne pas réfléchir à leur condition d’esclaves. Chaque être connait une pause lorsqu’il parvient à la trentaine, rares sont ceux qui peuvent prétendre atteindre les soixante car pour que le Vivant demeure un organisme sain, les corps faibles et vieillissants doivent être éliminés. Cet arrêt momentané de vie est une pause de quelques secondes avant que l’homme ne se réincarne en un corps jeune et vigoureux. Celui-ci effectuera la même fonction qu’il avait l’habitude d’honorer, car les strates sont aussi des castes très difficiles à contourner. La pause n’est pas douloureuse et la mort n’existe pas (leitmotiv entêtant du régime). Du moins, le Vivant se donne un mal immense à le faire croire. Il y a pourtant bien quelques dissidents qui se souviennent par vagues bribes leur souffrance passée, mais ceux-ci sont cordialement invités à se rendre en zone de pause, ignominieuse celle-ci, pour avoir osé nier la suprême beauté du Vivant.

Le monde crée par Anna Starobinets est absolument terrifiant, elle y anéantit toute possibilité de liberté humaine au profit d’une dictature informatique. Un roman visionnaire, peut-être, très inspiré pour le moins d’une société toujours plus rivée sur ses écrans, lancée dans cette quête frénétique du divertissement. Des sociétés qui sont de plus en plus régies par des hastags, des « j’aime » ou du nombre de vues, créant un système nouveau. L’auteure bâtit ce monde, invente les codes et le vocabulaire qui le compose pour offrir une illusion proche de la perfection. Une immersion qui demande concentration et accroche mais qui devient très rapidement fluide. Les différents chapitres naviguent et dévoilent des intériorités diverses, individu Zéro, planétarien, membre du conseil des Huit, tous ont droit d’être connectés à nos yeux dévorateurs. La lecture est incroyablement prenante et on se laisse guider docilement par l’auteure qui nous mène sur des sentiers biaisés, impossible à prédire. Un monde qui ne vous quitte plus, même après avoir refermer le livre. Une lecture qui vous happe doucement et vous entraine dans ses plus sombres méandres. Troisième lecture Mirobole et ce n’est rien que pur délice.

anna starobinets le vivantMirobole Éditions

Trad. Raphaëlle Pache

474 pages

Lucie

À propos Lucie

Chroniqueuse

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2 Commentaires

  1. Merci Lucie pour ta lecture, qui rend bien l’aspect glaçant de ce roman !

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