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Os Cangaceiros

Bandits & brigands – Recueil collectif

L’imagerie populaire regorge de figures de bandits, hors-la-loi somptueux vivant en bande dans les forets, détroussant les riches pour le bénéfice des plus démuni.es. Robin des bois, Marion du Faoüet, Carmine Crocco… Inventés ou basé sur des histoires vraies, les bandits dits “sociaux” ont souvent quelques points communs, comme l’analyse l’historien marxiste Eric Hobsbawn dans son ouvrage “Les bandits”.
Avant de se tourner vers le crime, le bandit social vit une existence misérable, et subit au quotidien les injustices et les brimades que lui infligent les puissants. Venant souvent de la paysannerie, il est soutenu par elle et par le peuple, dont il venge les malheurs quotidiens.
Symbole d’une opposition de classe, il est vu en héros par les prolétaires et en criminel par le pouvoir. Le concept de banditisme social fut crée par Hobsbawn pour différencier ce banditisme du vol ordinaire, ou de la criminalité organisé comme la mafia ou les gangs. Bien évidemment, la frontière entre ces catégories est plus flou dans la pratique.

Afin de redorer les gestes de ces révolutionnaires personnages, Jacques Baujard et Cédric Biagini, tout deux éditeurs à l’Echappée et libraires à la librairie Quilombo, ont décidé de leur consacrer une anthologie. En proposant à huit auteur.ices contemporain.es « d’écrire un texte retraçant la vie d’un brigand ou racontant un épisode important de son existence », ils souhaitent rendre hommage à ces « héros du peuple » et aux idéaux de résistances qu’ils incarnent.

Hobsbawn montre bien dans ses travaux qu’il est possible de retrouver des traces de « bandits sociaux » à toutes époques et sur tout les continents. Aussi, cette anthologie ne s’encombre pas de classement, afin de démontrer notamment l’universalité de cette figure.

Le recueil s’ouvre sur une nouvelle d’Emilien Bernard, dédié à Ned Kelly et à sa bande de bushrangers. Hors-la-loi célèbre du début de la colonisation australienne, ils braquèrent des banques et brûlèrent des prêts hypothécaires, afin notamment de venger les violences faites à leur famille.

Thomas Giraud ressuscite ensuite Robert Roy MacGregor, dit Rob Roy. Voleur de moutons, il lutta toute sa vie contre la colonisation anglaise, qui lui vola son nom, ses terres et sa dignité.

“Sans terre, sans armes, avec son nouveau nom, mélancolique, ennuyé, avec des colères nombreuses il passait la plupart de son temps à garder les troupeaux de gens qu’il estimait peu, dans une partie de l’Ecosse qu’il trouvait morne. Il n’aimait pas le confinement,le monde étroit où on l’avait réduit, ce petit bout de terre, ventre mou de l’Ecosse, entre Glasgow et Dundee, loin des Highlands, où il accompagnait, selon les consignes qu’il recevait, des troupeaux de moutons pour le compte de ceux qui avait terres, armes et nom…”

Sarah Haidar, autrice du magnifique « virgules en trombe », nous raconte l’épopée d’Hend U Merri, un bandit algérien dont peu de traces subsistent encore aujourd’hui . Marqué par la famine qu’il subit dans son enfance, il lutta toute sa vie pour sauver de la misère sa famille et les paysans qu’il rencontrait. Il finit assassiné par l’armée française en 1947 des suites d’une délation.

Vient ensuite Phoolan Devi, une des deux seules femmes de ce recueil. Sous la plume de Linda Lé s’anime cette incroyable femme de l’Uttar Pradesh dont la vie fut une suite de violences physiques ou morales, et qui se tint toujours debout contre vents et marées, traditions et humiliations.

Patrick Pecherot lui nous raconte lui, l’histoire de Cartouche, ce voleur de grand chemin du XVIIIe siècle qui mourut roué en place de grève, après avoir volé et ridiculisé la police et le roi de France.

“La petite bohémienne que tu as suivie, enfant, à la foire, a-t-elle lu, dans ta main, les lignes de ta destinée ? “On peut voler à tout âge. Le cirque est un cerf-volant, sur ses toiles, sur ses cordages, volent, les voleurs d’enfants.” On croirait les vers de Jean Cocteau écrits pour toi, Dominique.”

Sante Notarnicola, romancé ici par Serge Quadrupanni, est plus proche de nous, étant le seul personnage encore vivant du recueil. Il vécut dans l’italie des années 1950, à la grande époque de l’autonomie ouvrière. Communiste révolutionnaire, il achetait des armes pour soutenir les révolutions avec l’argent de ses braquages.

Sebastien Rutès, écrivain et enseignant en littérature latino-américaine, nous présente la vie de Joaquin Murieta, un patriote mexicain qui aurait, parait-il, inspiré le personnage de Zorro. Encore une fois, ce personnage symbolise la lutte contre la colonisation et l’acculturation.

Pour finir, Jean-Luc Sahagian raconte, à travers des documents divers, la vie de Maria Bonita et des si héroïques cangaceiros, ces bandits de la région du Nordeste, au Brésil.

A la fois livre historique, du moins contant quelques histoires et trajectoires populaires, grand recueil littéraire et appel à la révolte, « Bandits & brigands » est à lire pour toutes celles et ceux en manque d’héroïsme ou dont la colère contre les systèmes dominants grandit jour après jour.

Bandits & brigandsBandits & brigands
Recueil collectif (Emilien Bernard, Thomas Giraud, Sarah Haidar, Linda Lé, Patrick Pecherot, Serge Quadruppani, Sébastien Rutès, Jean-Luc Sahagian)
L’échappée,
204 p.

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Chroniqueur

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