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Ce que cela coûte – W.C. HEINZ

« La boxe aimante les écrivains…Les écrivains approchent la boxe en idolâtres, en inquisiteurs, en envieux et en frustrés. Ils la voient comme une société à part, un style de vie fascinant où le sang et les tripes dominent. Et le droit d’entée est élevé : Le non-combattants endurent la monotonie, s’accrochent à des étoiles qui ne brilleront jamais tandis que les pugilistes eux-mêmes poursuivent une gloire toujours improbable en supportant et en infligeant la douleur. La boxe prélève un tribut exorbitant en échange de maigres revenus. Les écrivains sont désireux de visiter ce monde, mais non de s’y établir. »

James Ellroy, dans la préface du roman posthume de F.X.Toole ( Coup pour coup – Albin Michel – 2007), soulignait très justement ce rapport entre écrivain et boxeur. La boxe aimante les écrivains. La boxe fascine et effraie les écrivains, tout les opposent, mais tout les attirent. Un jeu du chat et de la souris que l’auteur se retrouve à retranscrire fiévreusement sur des pages et des pages, pour tenter de souligner le côté métaphysique de ce sport. La pierre angulaire de ce qui fait l’Homme dans sa sauvagerie la plus primitive et son raffinement le plus sophistiqué de part les règles créées par le Marquis de Queensberry en 1865.

La boxe comme thème littéraire a été largement abordé, mais de mémoire de lecteur, Ce que cela coûte de W.C. Heinz, n’est pas comme les autres. Ici le roman ne s’attarde pas sur le combat ou l’ascension du boxeur, il ne s’attarde pas sur le traque, ni sur le parcours d’Eddie Brown. Ici l’auteur s’intéresse à la préparation, à l’attente, à l’entrainement, au conditionnement et surtout au rapport entre le boxeur et son entraineur.

Doc, entraineur légendaire dans le milieu, autant respecté que haït, est la clé de voûte du roman, tour à tour coach, père, tirant et soutient, il est l’architecte, celui qui a recruté Eddie Brown il y a une dizaine d’années et l’a emmené au championnat du monde dans un parcours comprenant plus de quatre vingt matchs avec seulement trois défaites.

Le journaliste Franck Hugues les accompagne pendant toute la phase préparatoire jusqu’au soir du match en vu d’écrire un article sur la légende naissante Eddie Brown, et c’est à travers son regard que nous découvrons ce milieu, la préparation, l’observation, la progression, l’attente, l’endurance,… Hugues reste relativement neutre, et se pose comme témoin, témoin d’un entraineur et de son boxeur, du créateur et de son œuvre.

Comme le souligne très justement un passage dans le roman, il s’agit avant tout de cela. Tel un sculpteur, Doc façonne son boxeur, sculpte la matière pour en faire ressortir ce qui fera de lui son champion, ce qui lui permettra de gagner le titre et la renommée. Une œuvre qu’il construit et sur laquelle Doc va miser quarante années de carrière.

Et l’on ne peut s’empêcher de comprendre la fascination de l’auteur, il s’agit pour lui d’une mise en abyme, dans la sauvagerie d’un sport basé sur la violence et la nécessité de mettre son adverse K.O pour remporter le match. Il subsiste en filigrane la construction d’une œuvre, qui s’exprime totalement lors d’un combat, grâce à ce qu’aura su insuffler l’entraineur. Construction d’un roman et entrainement de boxe, même combat ? L’écho se fait ressentir à travers les mots de W.C. Heinz.

L’auteur, journaliste de formation, dans une écriture simple, belle et imagée, proche des auteurs de feu 13e Notes éditions ou encore des auteurs de la vague du nouveau journalisme tel que Gay Talese et Tom Wolfe, plonge le lecteur dans un récit qui se construit en même temps que le boxeur se prépare. Une narration qui fait ressentir à chaque instant ce que cela coûte et ce que doivent endurer le boxeur, l’entraineur et le staff pour en arriver là. L’humanité suinte à chaque instant, et nous ressentons à tout moment les tensions, les attentes ou encore les enjeux derrière les entraînements. Un texte qui fait office de témoignage, de ce que le public ne pourra jamais comprendre lors d’un match. Nous nous retrouvons à avoir énormément de sympathie pour ces hommes qui construisent et déconstruisent le mythe autour de ce sport à chaque instant.

Un roman fascinant et lumineux par moment, amer à d’autre, mais un roman qui s’inscrit dans une vérité universelle sur ce besoin qu’à toujours eu l’Homme, de progresser et d’avancer tant qu’on ne peut l’arrêter.

Ce que cela coûte est publié en édition limitée à 5000 exemplaire chez Monsieur Toussaint Louverture, la traduction est assurée par Emmanuelle et Philippe Aronson, pour un texte de 352 pages qui ne vous laissera pas indifférent et qui offre peut-être ses plus belles lettres à ce sport.

Ted.

À propos Ted

Fondateur, Chroniqueur

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Un commentaire

  1. Celui-là pourrait bien me plaire. J’aime beaucoup les livres qui parlent de la boxe.
    Je vais voir si je peux mettre la main dessus par chez moi.

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