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D’après une histoire vraie, de Delphine de Vigan

Si vous en avez assez des auteurs français qui parlent de leur tronche, vous devriez peut-être tout de même faire une entorse à votre embargo pour “D’après une histoire vraie”.

Delphine de Vigan est l’auteur à succès de  “Rien ne s’oppose à la nuit”, un roman dont la réussite commerciale l’a laissée un peu estomaquée sur le bord de la route. C’est en tout cas comme cela que débute “D’après une histoire vraie” : la narratrice-auteur relate la promotion de son précédent livre, la fatigue de devoir constamment s’expliquer sur la véracité de ce qui y est raconté.

On démarre donc l’histoire avec une vraie sympathie pour l’auteur, dont on peut comprendre les difficultés. Delphine de Vigan installe un style simple mais précis et mesuré, et crée une proximité d’une efficacité redoutable  avec le lecteur. Ce pourrait être une amie qui nous raconte une histoire à une table de café.

Qu’écrire après un livre à succès très intime, que faire qui le dépasse, ou qui soit au moins au niveau de l’attente de ses lecteurs, que faire qui ait un sens ? La réponse à cette question est en même temps dans le livre… et le livre lui-même.

Le parti de Delphine de Vigan c’est, pour s’affranchir de cette angoisse  réelle, de s’amuser sur fond de thriller, et nous voilà dès les premières pages embarqués autant dans la maturation du projet d’un nouveau roman que dans l’histoire elle-même. Ces deux niveaux ne cesseront toute la lecture de se questionner et de se répondre à la quasi-perfection. La construction du livre est très habile : en hommage à Stephen King, cité tout le long du livre, De Vigan intègre à la réalité détaillée de sa vie un personnage mystérieux, L., qui va exercer une fascination telle sur la narratrice qu’elle la laissera pénétrer dans toute sa vie, plus qu’une amie, plus qu’une sœur, plus qu’une amante.

L. a des solutions à tous les problèmes de la narratrice, elle est courageuse, belle, intraitable, organisée et intense. Elle bout d’une énergie qui manque à l’auteur à ce moment de sa vie. Sous couvert de l’aider en lui communiquant un peu de sa force, L. va petit à petit vampiriser totalement la narratrice. On sent évidemment, dès le début, que L. est vénéneuse, mais son aura est telle qu’on croit tout à fait à cette sidération passive, qui petit à petit lui laisse prendre possession de l’auteur en mal d’inspiration. On découvre qui est la narratrice à travers ce qu’elle n’est pas et ce qu’elle admire chez une autre : en décrivant L., la narratrice se décrit en négatif.

Le livre passe ainsi le test du pur thriller, avec une maniaque à la Stephen King , mais aussi celui d’une lecture métaphorique ( L. est-elle réelle ? Est-elle le lecteur polymorphe qui hante l’écrivain et auquel il ne devrait jamais penser au moment d’amorcer un projet, sous peine de devenir fou ? ), ” D’après une histoire vraie” gagne sur tous les plans.

Plus encore que l’intrigue, assez classique mais extrêmement confortable, c’est la satisfaction de sentir que Delphine de Vigan tricote et réussit son projet, qui l’emporte. En refermant on a qu’un mot à la bouche :  “Malin !”.

 

histoire-vraie

D’après une histoire vraie de Delphine de Vigan,

Chez JCLattès

484 pages

26 août 2015

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8 Commentaires

  1. Bon comme tu le sais, la plupart des mes copines ont été hyper déçues, moi j’ai vraiment beaucoup envie de l’aimer ce livre, j’espère vraiment pencher de ton côté (même si tu connais mon rejet de l’autofiction). Il faut que j’oublie un peu qu’on m’a défloré la fin.

  2. C’est tout à fait ça ! S’il y a un seul ouvrage de “français qui ne parle que de soi… ou presque” à lire, c’est celui-là !

  3. Je tique un peu sur “narratrice-auteur” : la narratrice s’appelle Delphine. L’auteur bien sûr pousse à l’amalgame mais c’est ce qui fait justement sa subtilité : le lecteur surinterprète… et se fait avoir.

    • Oui, d’ailleurs en en parlant avec d’autres lecteurs on voit bien que le curseur n’est pas placé au même endroit sur la fiction dans ce livre. Certains pensent que tout est “la vraie vie” sauf L. D’autres que tout ou presque est inventé. J’aurais pu écrire la narratrice/auteur, mais la question est là tout le long du livre je crois.

  4. A force de lire de bons avis, je pense que je vais céder, et le lire…

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