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Florian Eglin Représailles couverture

Florian Eglin- Représailles

Les Agriates, une nuit d’été. Tom, sa femme et leurs deux filles profitent des quelques jours de vacances restant. L’île de beauté leur promet des paysages magnifiques, sauvages et aux couleurs éblouissantes. Mais c’est sans compter sur ce SUV titanesque lancé à leur poursuite à toute allure, les menaçant d’une sortie de route mortelle d’une seconde à l’autre. Rapidement, la seule solution qui s’offre à la petite famille de touristes est de s’arrêter et de faire face, afin de mettre un terme à cette traque aliénée.

À son bord, trois colosses avides de pratiques barbares et de cannibalisme, une fratrie cyclopéenne semblant surgir de temps antédiluviens, oubliés, bannis. La famille entière est menacée, son sort est scellé de la pire des manière, humiliante et dévorante. Tom voit les êtres qui lui sont le plus chers menacés par des monstres. Par des ogres.
C’est alors que l’on découvre Tom, en même temps qu’il se découvre lui-même, en faisant face à une rage lancinante et sinueuse, un soi qu’il refoulait jusqu’à présent mais qui pourtant le compose. On assiste à une naissance, violente et féroce, qui fait écho à celle des loups, celle des meutes. Mais qui est pourtant parfaitement et uniquement humaine. 

” Hurlant une fureur fabuleuse, ire folle, émotion première d’une pureté parfaite qui charriait une énergie à la fois démentielle est libératrice, émotion frénétique, c’était un brasier qui mettait en ébullition jusqu’à la plus infime de ses particules, c’était un geyser droit vers le ciel qui transportait avec lui toute l’énergie du monde avant que le monde ne prît la forme du monde, halluciné, autre, conjoint et disjoint à la fois, enfin lui-même, un, tout entier terriblement trépidant, tremblant à mort […]”

Puis commence une chasse à l’homme à hauteur d’île, où le reste du clan Falcone, auquel appartiennent les trois frères anthropophages, règne d’une main de fer. Notamment le père, Rocco Falcone, qui détient les trois quarts de la Corse, représentant d’une époque déclinante et crépusculaire et contre lequel va se dresser la police locale. D’anciens comptes à régler ressurgissent, alors que des rancœurs familiales, amoureuses et territoriales émaillent ce texte. 

En parallèle, le personnage principal de Florian Eglin, Tom, est en proie à l’exorcisme de ses propres traumas d’enfance, du dénis obscur qui sillonne l’intégralité du récit tout autant que sa figure, marquée par une large balafre. Ecrivain lui-même, perdu et troublé, il semble être un livre sur lequel les histoires se fondent et prennent réalité. En effet, le corps de Tom est sillonné d’une multitudes de tatouages, citations de grands textes : Le Simarillion, Salammbô, Juan Solo, Les Djinns… Ces derniers se dévoilent au fil du récit, paroles à l’unisson où se mêlent plusieurs épopées et temporalités. 

“[…] Les muscles ramassés au point de former d’énorme grappes de dures protubérances sous la peau, retourné, inversé, contorsionné un œil enfoncé au fond du crâne en plein les plis de la cervelle et l’autre, exorbité, boule aqueuse et irisée, littéralement, le cœur à fleur, ses ventricules rouges poussant fort contre les côtes blanches dedans, les organes frémissant au dehors de son corps et ses tatouages écris sur la peau à l’intérieur de lui, en son sein, la bouche démesurément ouverte sur des dents vengeresses bien entretenues en Suisse, claquant coupante les une contre les autres à en produire des étincelles crépitantes, elle bouteraient l’incendie, le vrai, des perles de sang au bout de chacun de ses cheveux, les membres musculeux comme articulés autrement par cette transe de guerre effarants qui l’animait, qui le transformait, qui l’accomplissait, enfin, son couteau raidement à la main serré dure comme pierre avec toutes les veines dessinées dessus bien épaisses du flot de sang dedans […]”

Florian Eglin rend donc hommage à ces auteurs, eux-mêmes considérés comme des colosses mythiques. La notion d’héritage est omniprésente au cœur de Représailles, le lègue souhaité ou non, conscient ou refoulé. L’héritage de la force, du pouvoir mais aussi de la sauvagerie que des chefs et cheffes de famille transmettent à leurs enfants. Par ailleurs si les hommes sont représentés au premier abord comme étant des figures patriarcales, ils se révèlent au final souvent fissurés ou même paumés et un brin loosers alors que les femmes sont de véritables piliers. Fortes, inébranlables, elles évoquent des figures d’anciennes déesses par leur caractère volcanique et protecteur.

Représailles est un roman hanté et addictif, un exutoire qui interroge sur l’origine de la création littéraire, dont la muse est ici une rage que l’on pourrait qualifier de bestiale… Alors qu’elle n’est on ne peut plus humaine. Florian Eglin y fait une description détaillée de la violence, jouant avec cet attachement morbide propre à notre nature, en gardant tout de même un détachement et du second degrés. Cet équilibre rend cette lecture totalement magnétique, d’autant plus lorsque l’on est friand de légendes ancestrales et tribales et de contes horrifiques modernes.

Dans le désert des Agriates, il y a des cannibales herculéens et le choc des luttes effrénées pour la survie de chacun et de son clan. Une rage minérale monte. La lois du Talion prédomine.

“[…] Fou et révélé, Tom, carnassier, et superbe, Tom, monstrueux et fantastique, Tom, inouï et ivre de violence, fondit sur ces géants qui croyaient les manger, comme ça, cette nuit. […] “

Florian Eglin Représailles image

Éditions la Baconnière
224 pages
Caroline

À propos Caroline

Chroniqueuse

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