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Gabriel Josipovici – Infini

Comment peut-on le mieux rendre hommage à un compositeur et poète italien réformiste et avant-gardiste, qui rejetait le convenu, les protocoles et les pensées du moment ? Quoi de mieux que de faire un récit sur ce dernier ? Retranscrire l’interview du majordome de ce dernier !

Avec « Infini, L’histoire d’un moment » et son écriture postmoderniste lorgnant du côté de la métafiction, Gabriel Josipovici fait revivre Tancredo Pavone à travers le récit de son majordome qui nous est retranscrit par un journaliste. Une mise abyme où le rôle de la narration devient l’élément le plus intriguant, conférant une sorte de magnétisme autour de M.Pavone. Quid de la légende du personnage, quid du fait authentique, le lecteur ne peut découvrir qu’un seul point de vue sur un Tancredo Pavone aussi énigmatique que loufoque et révolutionnaire. Faisant, grâce au récit de Massimo, son majordome, un avant-gardiste, un compositeur et poète qui préfigure la vague de compositeurs dits minimalistes ou concepteurs de nouvelles tendances telles que le « phasing » chez Reich ou les boucles mélodiques de Philip Glass. Mais plus que ce talent incroyable et indéniable, c’est l’impertinence et les opinions très tranchées qui priment et dépeignent un personnage ambivalent. Le majordome dans son apparente transparence pousse le lecteur à s’interroger sur la véracité du portrait qu’il dresse, tantôt plaisant, tantôt agaçant et curieusement repoussant.

« John Cage avait des théories sur tout, a-t-il dit, mais tout particulièrement il avait des théories sur le fait de ne pas avoir de théorie. C’est très américain, Massimo a-t-il dit. On trouve ça chez Whitman. On trouve ça chez Pollock. Et j’ai trouvé ça chez Cage. Les américains veulent réinventer la roue à chacune de leurs repsirations. »

S’inspirant librement de la vie de Giacinto Scelsi, célèbre compositeur et poète italien avant-gardiste, nous retrouvons énormément de similitudes et clins d’œil, que ce soit dans son éducation, ses précepteurs, son initiation à la vie et l’art, ses rencontres, son amour, son séjour en Suisse ou encore « Quattro pezzi su una nota sola ». Une similitude tout en finesse qui est un merveilleuse hommage d’un avant-gardiste à un autre. Un texte qui fourmille de détails et pourrait se décomposer comme un morceau de musique. Un rythme et une musicalité dans la narration magnifiquement traduits par Bernard Hoepffner. Gabriel Josipovici continue à marquer son œuvre avec sa plume si particulière, et de texte en texte construit un univers où il est bon de se perdre au détour d’une page et de flâner aux cotés de ses personnages.

« Au contraire, a-t-il dit, je voyais cela comme un signe de triomphe. Je jouais cette note uniqueet, en jouant, j’écoutais. J’écoutais et je comprenais. A ce moment-là, un nouveau genre de musique est né. J’ai appelé la première pièce Six Sixty-Six. Six Sixty Six. La même note frappée de la même façon au piano six cent soixante six fois. C’était magnifique, Massimo, a-t-il dit. Sa beauté était une beauté d’un autre monde. »

josipoviciQuidam éditions,
Trad. Bernard Hoepffner,
154 pages.
Ted.

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Fondateur, Chroniqueur

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