Vous prendrez bien un petit poncif pour commencer, hein? Allez, vraiment, ça me fait plaisir!
Il est de certains livres comme des rencontres. Des qu’on oublie aussitôt finies, certaines que l’on préfèrerait n’avoir jamais faites, et d’autres qui nous marquent et qu’on n’échangerait pour rien au monde, quelque impact qu’elles aient pu avoir sur nous.
Angelo, lui, a rencontré Dieu (rien de très original pour un jeune italien du XVIème siècle vous me direz) et décide donc de rejoindre les rangs des frères mineurs franciscains. A partir de là, c’est tout un monde (voire plusieurs) que va rencontrer le jeune frère Angelo. Il vivra au plus près le sac de Rome, verra les guerres d’Italie déchirer son pays et partira évangéliser les Indiens du Nouveau Monde.
Formé à travers les textes et les pensées de Thomas d’Aquin, Guillaume d’Ockham ou encore Duns Scot, Angelo, en bon théologien, va passer sa vie à chercher à appliquer au mieux ses croyances, convaincu de leur justesse et de leur nécessité. Il découvrira pourtant au contact des Indiens que ce qu’il considérait comme foi en une entité divine ne servait peut-être qu’à camoufler une recherche beaucoup plus humaine (vous avez trouvé?), celle de l’amour, dans toutes ses déclinaisons: l’amour entre deux personnes, celui qui lie des amis, qui fait famille, qui soude un peuple. L’amour que l’on découvre malgré tout, malgré la guerre, la violence, la cupidité, les différences, pour les êtres humains dans leur ensemble. Il se lancera à corps (et âme) perdu dans cette quête de l’autre, marchant sur le fil de l’hérésie, entre solitude et plénitude.
Car si Angelo est dévoué au Christ et à l’Église, il se heurtera à la rigidité de cette dernière, son enfermement sur elle-même et le fossé, le ravin, le gouffre entre sa perception et son application de la religion et celle voulue par la Sainte Mère.
Du bûcher de Savonarole à Florence jusqu’aux rives du Rio de la Plata, Angelo ne cessera de rechercher le beau, le juste, la compréhension de ce monde en changement; jusqu’à l’illumination.
Frère Angelo est un grand roman, de ceux qui font réfléchir autant que voyager, appendre autant que pleurer (les Aztèques auront moins de secret pour toi après, comme la scolastique, même si ça fait moins rêver), et j’ai vraiment, mais alors vraiment envie de te dire, lectrice-lecteur (public chéri, mon amour) fonce putain!
Mais… (tu as peur là, tu te dis que ça ne devrait pas se passer comme ça cette fin de chronique) mais malheureusement, Les voyages et aventures extraordinaires du Frère Angelo, du formidable Guy Hocquenghem, n’est plus disponible, et cela de manière définitive.
Que cela ne t’empêche pas de fouiner chez les bouquinistes, dans les brocantes et autres librairies d’occasion, on ne sait jamais, un ignare a pu se débarrasser de son exemplaire qui attend sagement qu’on vienne le trouver. Et puis si vraiment tu me fais confiance quand je te dis que c’est vraiment un bouquin génial, on peut tous aller sous les fenêtres d’Albin Michel, faire un barbecue géant jusqu’à ce qu’ils acceptent de le rééditer.
Tu marches?
310 Pages
Albin Michel
Marcelline