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Interview Michaël Mention

maxresdefault1/ Bonjour. Pour ceux qui ne vous connaissent pas encore, pouvez-vous vous présenter ?
Bonjour Ted, ravi d’échanger de nouveau avec vous après notre rencontre à Quais du Polar ! Je m’appelle donc Michaël Mention, j’ai 34 ans, je suis scorpion ascendant romancier et scénariste, fan de rock et de pâtes carbonara.

2/ Comment avez-vous démarré l’écriture ? Quel a été le déclic qui vous a donné envie d’écrire ?
Ado, je dessinais des BD et rêvais de cinéma. Après le Bac, j’ai raté le concours d’entrée dans une école de cinéma à Toulouse et – comme de nombreux futurs chômeurs – je me suis inscrit à la fac. Entre des cours de linguistique et de philo, j’ai participé à un atelier d’écriture. C’est là que le « déclic » s’est produit : je venais de découvrir Desproges, Céline, Thiéfaine, Lavilliers … mes textes étaient des chroniques, des billets d’humeur lus devant un groupe de copains. Il y a eu les premiers rires, les premiers débats suscités, les premières provocs puériles mais essentielles pour se sentir « vivant » à cet âge-là.

3/ Le polar vous est venu naturellement ou les thèmes que vous vouliez aborder ont-ils défini le style littéraire que vous deviez écrire ?
Dans d’autres interviews, j’ai dit que j’avais d’abord écrit du fantastique et de l’espionnage mais plus j’y pense, plus je me dis qu’en fait je fais du roman noir depuis le début. Mon premier bouquin, écrit en 2001 et paru en 2008, comportait déjà des éléments propres au polar.
Je n’étais pas assez familier de l’univers du roman noir pour le réaliser mais Anna Pavlowitch, à l’époque éditrice chez Ramsay, l’avait déjà compris. J’en profite pour lui rendre hommage, ainsi qu’à Françoise Samson et à Julien Roumette, qui dirigeait l’atelier d’écriture de Toulouse : ces trois personnes ont été, à des niveaux différents, fondatrices dans mon parcours (houlà, ça ressemble à une « interview Druckerisée » …).

7768895782_fils-de-sam-un-livre-de-michael-mention4/ Comment en êtes-vous venu à vouloir écrire sur David Berkowitz ?
Mes bouquins sont toujours inspirés par une discussion, un film, une colère sur tel ou tel sujet. Je me suis intéressé à Berkowitz après avoir revu Summer of Sam de Spike Lee. Ce film n’aborde l’affaire criminelle qu’en arrière-plan mais cristallise l’essence même des années 70, ce bouillonnement socioculturel propre à New-York. Puis, il y a ces quelques séquences consacrées au tueur et ses délires paranoïaques … je me suis renseigné sur Berkowitz, j’ai parlé de mon projet à Stéphane Bourgoin et il m’a dit qu’il dirigeait une collection axé sur les affaires criminelles aux éditions Ring. La suite, c’est « ordinateur-café-clopes-musique ».

5/ Combien de temps vous a-t-il fallu pour écrire Fils de Sam et cela vous a-t-il demandé
beaucoup de travaux de recherche en amont ?
J’ai mis entre sept et huit mois à l’écrire. Ce sont les recherches/lectures/visionnages qui m’ont pris le plus de temps, de jour comme de nuit. À ce jour, c’est le bouquin qui m’a le plus « usé » puisqu’il ne s’agit pas d’un roman (où l’on peut façonner le récit) mais d’un true crime.
Pour la première fois, je devais respecter les faits et j’ai galéré pour obtenir certaines infos, notamment au sujet des victimes qui sont souvent réduites à leur décès ou traumatisme. Or, une victime est avant tout un individu qui a eu une existence, des projets, des amis etc, et ce manque d’informations trahit une certaine indifférence de la société … mais je suis tenace et j’ai fini par obtenir tout ce que je cherchais, grâce à de nombreux livres et documentaires « sérieux ».

6/ La musique dicte presque certaines parties du récit, est-ce un choix volontaire de
votre part ou alors vous saviez que Berkowitz écoutait beaucoup de musique ?
La musique a toujours fait partie intégrante de ma vie. Ado, j’écoutais AC/DC, Police, Deep Purple et tout ça s’est retrouvé dans mon écriture dès le premier bouquin. La musique est à mon sens ce qui se partage le plus au monde, ce qui peut réunir des millions de gens au-delà de la littérature et du cinéma.
Dans Fils de Sam, si Berkowitz écoute les Stones et Can, c’est parce que ce sont mes goûts musicaux. C’est la seule invention que je me suis autorisée car tout le reste – son enfance, ses jobs, sa perception des faits – est vrai dans les moindres détails. Berkowitz ayant passé sa vie à être exclu, il m’a semblé intéressant d’en faire un fan de rock dans une époque où le disco était à la mode : une sorte de « rebelle » dont tout le monde se fout, jusqu’à ce qu’il passe à l’acte.
J’ai également cherché des morceaux qui me semblaient illustrer ses propos. Berkowitz a évoqué des soirées avec des satanistes et l’apparition d’une « personne influente » : c’est pourquoi, dans le chapitre 14, j’ai opté pour Into the void de Black Sabbath (groupe très apprécié par la scène sataniste) dont l’intro à la guitare m’évoque une avancée lourde et pesante.

7/ Comment avez-vous abordé les chapitres « journaux intimes » de Berkowitz ? Aviez-vous beaucoup de matière pour être le plus fidèle possible ou avez-vous pris plus de liberté sur ces chapitres ?
Oui, beaucoup de matière et par conséquent, beaucoup de conneries et de faits exagérés … Toujours ce sensationnalisme sordide, cette surenchère à la BFMTV & Co., comme si les crimes de Berkowitz n’avaient pas suffi. Alors j’ai trié pour recouper les infos, des interviews aux archives du Marine Corps. Les travaux du Dr Abrahamsen et des élèves du département de psychologie de l’Université de Radford sont pour moi les plus fiables.
J’ai ensuite listé les éléments phares pour chaque année et les ai organisés dans la tête de Berkowitz, pour affiner son cheminement psychologique. Par ailleurs, il y a des corrélations entre son parcours et le mien : par exemple, comme Berkowitz, j’ai bossé dans un centre de tri et comme lui, je m’y suis ennuyé à mourir ! Plus sérieusement, d’autres similitudes sur le plan affectif m’ont aidé à mieux cerner son point de vue.

8/ Avec tout le temps que vous avez passé sur cette histoire, et avec tout le savoir que vous avez accumulé pour écrire votre livre, quel est votre point de vue sur cette affaire ?
Je ne suis pas du genre à voir des complots partout, mais beaucoup d’éléments sont troublants dans cette enquête. Quand vous me parlez de Berkowitz, je pense à Aquino et son omniprésence à cette époque-là … pour ne citer que lui. S’il est impossible à ce jour de prouver que Berkowitz a fait partie d’un complot, je suis convaincu qu’il a croisé la route de mauvaises personnes au mauvais moment. Et, à en croire les lecteurs, nous sommes nombreux à penser ça.

9/Allez-vous vous attaquer à d’autres tueurs aussi énigmatiques tel que le Zodiac par exemple ?
Non. « Berkowitz m’a tuer » et pour l’instant, j’en ai fini avec les serial killers … De toute façon, ils ne m’ont jamais passionné ni fasciné. Je ne m’y intéresse que lorsqu’ils semblent être les symptômes d’une société malade. Sale temps pour le pays est avant tout un bouquin sur une société en crise, comme Fils de Sam est ma vision de l’Amérique schizophrène des années 60-70.
J’ai écrit sur Berkowitz car il est à part dans la sphère des assassins. Pour moi, c’est un « pauvre type » influençable, l’un de ces losers célèbres dont on peut se sentir proche sans pour autant cautionner ses actes. À travers Fils de Sam, j’ai un peu plus développé ce qui se dessine au fil de mes bouquins : chercher l’humanité là où on ne nous parle que de starification et d’artifice.

SALE TEMPS POUR LE PAYS.indd10/Après Sale temps pour le pays et Adieu demain, avez-vous une ébauche du troisième volet de votre trilogie sur l’Angleterre ?
Il est terminé et est actuellement lu chez Rivages, c’est pourquoi je suis un peu stressé (enfin, comme toujours …). Adieu demain a marqué une évolution et le dernier volet est à l’image de ce que je suis aujourd’hui : de plus en plus en colère contre les aberrations de notre monde mais épanoui en écriture pour mieux exprimer cette colère et donc, faire réagir le lecteur sans le heurter.
Toutefois, si mon ton se durcit, je reste plus que jamais dans une démarche de partage. Pour moi, il n’y a pas de sujets sensibles et l’action frontale m’apparaît aujourd’hui comme la seule réponse à notre époque édulcorée, frileuse. Plus on creuse, plus on trouve et plus on a de chances de tous se retrouver. On ne peut pas toucher l’autre si on n’exploite pas son sujet à fond, jusqu’à l’os.

11/ J’ai cru comprendre que vous travaillez actuellement sur un roman d’espionnage, pouvez-vous nous en parler un peu plus ?
En fait, il s’agit d’un bouquin écrit il y a plusieurs années. Entre la rédaction de mon premier et sa publication, il s’est écoulé sept ans : j’ai beaucoup écrit durant cette période et, depuis, je remanie et peaufine régulièrement mes anciens bouquins pour les « aligner » sur les récents. Je suis très attaché à la notion de cohérence et j’aime l’idée qu’un bouquin ne soit jamais réellement terminé, qu’il évolue au fil des ans (en espérant qu’il finisse par être publié, bien sûr : )

12/ Pour finir, si vous aviez un classement à faire, quel serait votre top 5 littéraire ?
Christine de Stephen King, Mort à crédit de Céline, Le grand nulle part d’Ellroy, Les fables de La Fontaine et l’intégrale Philémon de Fred (pour l’onirisme). Voilà, merci et à bientôt !

À propos Ludo

Fondateur, Webmaster

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