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Le Jardin - Magnus Florin - Blossfeldt

Le Jardin – Magnus Florin

Le Jardin est le premier roman de Magnus Florin, directeur artistique du Théâtre dramatique royal de Stockholm. Et l’auteur a en effet l’art de la dramaturgie. L’art de l’oralité également, composant son récit en phrases courtes, scandées et poétiques. Le Jardin a obtenu l’équivalent du Goncourt en Suède, et connu un réel succès. Il aura fallu attendre 20 ans, la patience du traducteur Alain Gnaedig, pour qu’il soit enfin disponible en France.

Le Jardin est une fiction réelle, une réalité fictionnelle. Se basant sur la vie du naturaliste Carl Linnæus – Carl Von Linné, Florin nous conte le quotidien d’un jardin botanique, de celui qui le supervise et de ceux qui l’entretiennent. Linnæus est l’inventeur de la nomenclature binominale, système permettant de nommer avec précision les genres et espèces de toute chose naturelle. Cette classification lui permet de construire un monde ordonné, fait d’objets et de relations, un monde en harmonie avec la religion. Ainsi, il n’existe pas d’hybridation acceptable, pas de mutation possible, les espèces étant le fruit de la volonté divine. Si le système est brillant, le discours manichéen ne va pas pour autant emporter l’adhésion des étudiants de Linnæus, et encore moins celle des simples jardiniers.

Aucune nouvelle espèce n’apparaît. 

Tout au long du récit, on suit la pensée de Linnæus, on la perd souvent, on la décrypte parfois. Il y a autant dans les mots que dans leur absence. Magnus Florin nous plonge dans la tête du naturaliste, certain de sa théorie, refusant toute incompréhension. Linnæus ne perçoit plus le monde hors du système qu’il a établi. Il perd toute possibilité de dialogue avec autrui. Un de ses disciples énumérera des nouvelles macabres, accolant aux noms de chacun leur nouvelle condition, devant l’indifférence du maître. Florin rend particulièrement bien les incompréhensions entre Linnæus et le reste du monde. Par de petits traits d’esprits, le jardinier principal tentera de montrer à Linnæus qu’il existe d’autres prismes d’observations du monde, mais sans succès. Seul son ami d’enfance, également naturaliste, semble parfois comprendre Linnæus, mais la réciproque n’est pas toujours vraie.

La clôture en pierre est édifiée, non sans difficultés. Dans sa Sibérie, Linnæus plante de la rhubarbe sauvage, des pivoines de Sibérie, du sédum de Mongolie, des tulipes sauvages, des scutellaires magnifiques et des asters de Sibérie. Il les arrose avec l’arrosoir vert.

Nombre de détails viennent alimenter le récit, pourtant ramassé, donnant une forme picturale au texte. On connaît le nombre exact de boutons de la veste de Linnæus, appuyant sa maniaquerie et donnant corps au personnage. Touches de couleurs, détails et forme, blancs contrôlés, tout participe à un ensemble très riche et puissant. L’écriture de Florin est en cela très scénarisée, entre une toile impressionniste et un film documentaire, mais toujours poétique. Avec ce court roman, l’auteur interroge notre rapport au monde et aux systèmes que nous avons créés pour le comprendre, et nous amène à repenser les failles, les marges de ceux-ci. Quatre-vingt-quinze pages qui résonneront bien après avoir refermé le livre.

Le Jardin - Magnus Florin

Editions Cambourakis,
Traduction : Alain Gnaedig,
95 pages,

Aurore

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