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Joann Sfar- Tu n’as rien à craindre de moi & Fin de la parenthèse

Rue de Sèvres, ballade piétonne au coeur de Paris à travers les arrondissement. Rue où les immeubles haussmanniens côtoient des boutiques de luxe, mais aussi une rue bien particulière qui, depuis 2013, est devenue le nom d’une maison d’éditions du groupe L’Ecole des loisirs, tournée vers la bande-dessinée de qualité. Cette nouvelle arrivée dans le monde du neuvième Art s’est rapidement imposée comme une référence grâce à ses choix d’auteurs et de sujets éclectiques, réunis autour d’un seul et unique mot d’ordre: l’ambition des beaux projets.
En cette rentrée Littéraire de 2016, sois trois ans seulement après le commencement de l’aventure de Rue de Sèvres, voilà que déboule un signe de ponctuation attendu et reconnu, La Fin de la parenthèse du gigantesque Joann Sfar. C’est l’occasion de bouclée le diptyque entamé avec Tu n’as rien à craindre de moi et de faire un point sur le travail encore une fois étourdissant que nous livre l’auteur.

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Au premier coup d’oeil, impossible de se tromper, c’est bien le trait nerveux et à fleur-de-peau, résolument organique et sensible comme un nerf à vif de Joann Sfar qui éclabousse les couvertures respectives de ces deux albums.
Le premier volume aborde l’histoire d’amour entre Seabearstein l’artiste torturé et la mannequin Christel, les émois de deux personnalité en décalage qui s’abandonnent dans une passion aussi bien physique qu’intellectuelle. On se laisse entrainer par les monologues et dialogues incessants des protagonistes, qui nous livrent chacune de leurs pensées propres et intimes. C’est comme si on avait un accès direct aux voix intérieures du duo, que l’on interceptait chaque réflexion de leurs conscience, un peu comme lorsque l’on capte des brides confuses sortant d’un émetteur radio. L’ensemble est hypnotisant et diffus, plein de pistes sinusoïdales philosophiques, anthropologiques, artistiques et sociétales.
A travers ce couple contemporain, Joann Sfar explore les thèmes qui lui sont chers; la religion, les relations intra-humaine, le devoir de mémoire et le choc des cultures et des pensées. La relation artiste-muse est le point d’honneur bien sûr, le ballet entre deux entités fortes et torturées chacune à leur manière ponctuant le récit de ses pas de danse envoûtants. Mais qui n’a rien à craindre de l’autre au fond, et qui métastase qui?

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Le second tome quand à lui nous entraine dans un univers encore plus délirant autour d’une idée aussi folle que géniale; celle que l’artiste Dali soit réveillé de sa cryogénisation afin que son aura de prophète non-religieux sauve notre société moderne d’un obscurantisme sur le retour. Pour faire cela, Seabearstein est enfermé pendant plusieurs jours en compagnie de quatre mannequins totalement nues afin de réveiller l’esprit mystique du peintre espagnole. Ce n’est plus une seule muse mais quatre, qui l’inspireront par leurs corps angulaires et leurs consciences animales. Rien de vulgaire à la clé, la tension sexuelle n’est pas présente car les corps devient peu-à-peu des chrysalides trop lourdes pour l’esprit.
Dans ce huis clos des plus étrange, sous l’effet de drogues hallucinogènes et inspirés par le lieu atypique dans lequel ils ce trouvent, les personnages vont vivre comme dans un rêve éveillé, recréant de manière physique et charnelle les tableaux du grand maitre. La Haute Couture, la Culture, l’Art se bousculent dans ce trip sous acide baroque et nous laisse dans le même état que si nous avions été coupés nous-même du monde extérieur et mis en page par la plume acérée de Joann Sfar. C’est une fin de parenthèse suivie par des points de suspensions et d’interrogations sur la condition humaine et métaphysique , comme un linéament distillé lentement à travers les dessins à l’encre de chine et la mise en couleur boisée.

 

Ce diptyque phylactériel est encore un petit bijoux de l’auteur hyper-productif, à la fois mélancolique et plein d’excès, qui trouble et ne peut en aucun cas laisser de marbre. Le sujet est une fois de plus innovant, l’appropriation des toiles de Dali et l’intelligence pure qui découle des monologues intrinsèques des protagonistes nous imprègnent comme dans un songe houleux. Lire Tu n’as rien à craindre de moi et Fin de la parenthèse c’est comme mettre le doigts dans une fissure minuscule qui mène à une autre dimension imbriquée dans la notre, où rien ne semble trop invraisemblable sous les angles métaphysiques de Joann Sfar.

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Editions Rue de Sèvres
98 et 128 pages 
Caroline

À propos Caroline

Chroniqueuse

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