Copacabana, destination de rêve où de nombreux touristes se pressent chaque année pour découvrir les merveilles du Brésil, siroter des caipirinha et se faire dorer au soleil tout en admirant la faune locale (quelle soit de nature animale ou féminine).
Mais sous ces allures de petit coin de paradis se cache la misère, les ruelles malfamées et la lutte pour la survie. Lobo et Odyr, respectivement scénariste et dessinateur de ce roman graphique, se lancent sans détour dans le portrait de cette facette cachée de Rio, sombre et surtout trop souvent oubliée sur les jolies cartes postales.
Diana, jeune prostituée aux courbes fatales, évolue au coeur de cette ville sous la chaleur étouffante du soleil et la lueur des réverbères. Elle enchaine les passes, hypnotisant les gringos de ses belles phrases milles fois répétées, pour vivre et surtout envoyer de l’argent à sa mère qui la croit infirmière. Mais pas de blouse blanche pour la jeune femme qui opte pour les minis shorts et les décolletés provocateurs, jouant de son corps pour devenir un produit de consommation du tourisme sexuel, attraction courante des pays miséreux.
Fière, assumant pleinement son statut de prostituée, Diana garde la tête haute malgré les agressions, les coups et les préjugés et tente de garder une ligne de vie hors des complots et des magouilles. Mais vient un jour où elle se voit obligée d’accepter une passe avec une de ses amie et collègue de trottoir. Mais le deal se révèle être une vaste arnaque et Diane en sera à la fois la complice et la victime.
La touffeur moite de Copacabana, la sueur et le mélange des corps, le rythme effréné des nuits, toute l’atmosphère du Brésil éclate entre les pages de cet album, nous imprégnant du quotidien des personnages qui y gravitent.
Avec son trait épais, aux ombrages marqués et lourds, Odyr retrace la misère qui pèse sur les entrailles du district de Rio, joue sur l’ombre et la lumière peignant le corps de Diana. Tandis que le découpage des pages marque le rythme de lecture, alternant lancinance et rapidité effréné à la manière des passes de la belle héroïne, l’écriture de Lobo vient marquer la danse avec un langage cru et franc, mais aussi teinté d’une tendresse et d’une fierté certaine pour ces femmes qui luttent et vivent de leurs corps. Jamais moralisateur, ne s’abandonnant pas aux facilités du pathos, le duo nous dressent un quotidien trop méconnu et surtout trop souvent volontairement enfoui sous les carnavals, paillettes et sourires étincelants affichés sur les dépliants touristiques du Brésil.
Plus qu’une simple fiction, Copacabana est un portrait sans concession de leur pays natal, nous entrainant dans un tourbillon entêtant de violence, de magouilles et de chaleur.
Il nous met devant le fait accompli de l’exploitation d’autrui, sur la survie sous le soleil et le quotidien des prostituées, des trans et des enfants des rues. Mais malgré la misère omniprésente, le bonheur est une lueur d’espoir qui persiste à travers la saleté et la prostitution, la promesse d’un avenir meilleur qui fait tenir plus que l’argent ou la drogue.
Doux-amer, d’une justesse sans détour, cet album à l’atmosphère envoutante est une véritable immersion qui nous entraine au coeur du Brésil. Au delà de la bande-dessinée, il s’agit du témoignage touchant et franc de deux enfants du pays.
Editions Warum
184 pages
Caroline