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Lucien Raphmaj – Capitale Songe

Lucien Raphmaj est un créatif complet, auteur d’un essai sur Blanchot et Volodine, participant à des expositions ou des projets vidéos, il est connu sur internet grâce à ses critiques pour l’excellente revue Diacritik et est l’auteur du blog wordpress à son nom consacré à la littérature contemporaine, c’est sans surprise et même avec une grande curiosité que nous découvrons son premier roman, Capitale Songe.

” Nos histoires dorment mal, insomniaques, elles se retournent et cherchent la position où l’on bascule dans le sommeil. Elles respirent mal. Problèmes de branchies ou quoi, va savoir. Elles s’interompent sans cesse, pensent à mille choses changeantes, inconstantes, fuyantes, reprennent, réseautent, creusent, jusqu’où ?
Jusqu’au tréfonds de Capitale S, là où cette île artificielle rejoint l’océan. Oui, chaque instant un peu plus, la cryptonation flottante de Capitale S rejoint l’océan qui la dissout ”

Bienvenue à Capitale Songe, Capitale S pour les intimes. Ici, tout se marchande, même le sommeil et les rêves, le capitalisme roi à construit un paradis artificiel avec vu sur l’océan. Bienvenue dans un univers où le corps ne dictera plus ses règles et où tout s’achète.

” On se demande parfois, peut-être en vain, ce qui appartient à notre pensée et ce qui est de la part d’enchevêtrement d’ondes pénétrant nos esprits et se transformant en litanies absurdes, retirant toute limite à notre expérience. ”

Fuyez Capitale Songe, Capitale S pour les junkies. Ici, la vie n’a plus de valeur, si ce n’est financière, le temps se chiffre et le sommeil n’est plus qu’un vague souvenir. Fuyez ce lieu où l’on oublie même de s’appartenir.

Deux versants d’une même ville/ile au destin étroitement lié à une poignée de personnages. Capitale Songe, ou la ville des rêves qui s’achète, et des corps qui s’enfoncent.

Étant le parfait reflet de notre monde, décomposé par un prisme qui exacerberait les penchants les plus bas et mercantiles, Capitale Songe puise dans la culture pop pour construire son univers tentaculaire. Ainsi l’on ne pourra s’empêcher de penser au manga Blame! et sa ville monde asphyxiante et labyrinthique, ou encore au jeu vidéo Destiny 2 et son personnage tout droit sorti de la côte enchevêtré, l’araignée ! Des influences pop, et cinématographiques, mais surtout littéraires, et l’on ne peut qu’apprécier les ombres d’auteurs de la trempe de Volodine, Claro, Gibson ou encore Dantec. Des auteurs qui plongent à corps perdu dans leur narration, qui savent insuffler ce supplément d’âme dans l’histoire. Lucien Raphmaj s’en tire avec une grande élégance, l’auteur ne se contente pas de puiser dans des influences, mais il a su les absorber, digérer et se les approprier pour proposer, in fine, sa lecture du monde, ses codes et son univers.

Capitale Songe possède son “Lore”, son identité et son style, un roman de genre qui joue sur les notions de réalités et sur les codes afin de perdre le lecteur, Le chambouler et le remodeler pour en faire un citoyen de cette ville. Habillement mené, Lucien Raphmaj n’oublie jamais la finalité de sa narration, et les égarements sont autant de chausses trappes que le lecteur va s’empresser d’activer ou de se laisser happer. Rien est gratuit ici, et se perdre fait parti du deal pour plonger dans ce lieu si particulier. Il faut déconstruire ses acquis pour accepter que rien ne nous appartient, pas même le langage. Aucun référentiel n’est stable et accepter de lâcher prise c’est accepter de s’ouvrir à un monde inconnu fait de faux-semblant et de marchandisations à outrance.

Que penser finalement de ce roman. Il peut s’avérer exigeant et peut rebuter certains lecteurs par son apparente complexité. Il ne s’offrira pas à vous, mais à beaucoup à offrir du moment où vous acceptez de vous laisser happer. Le texte est une réussite tant par le fond que par la forme, l’écriture de Lucien Raphmaj est protéiforme et donne une profondeur totale à son histoire, l’auteur se joue des codes de la narration pour nous égarer, mais sans jamais oublier la finalité.

Capitale Songe est une réussite totale, et mérite une attention toute particulière en cette période de rentrée littéraire ou le mot d’ordre est à l’abondance et la surenchère.

 

Les éditions de l’Ogre,
315 pages,
Ted.

À propos Ted

Fondateur, Chroniqueur

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