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Vladimir Maïakovski – Ma découverte de L’Amérique

Ma découverte de l’Amérique de Vladimir Maïakovski est paru cette année aux Éditions du Sonneur. Écrit en 1926 pour la presse russe, ce récit de voyage a enfin été traduit dans son intégralité en français. En 2005, Colum McCann a signé une courte mais riche préface au présent ouvrage.

Maïakovski s’est rendu aux États-Unis en 1925 pour y donner des conférences auprès des grands syndicats de travailleurs. Trois mois d’un voyage qu’il raconte en plusieurs textes courts, de son périple en paquebot de la France à Cuba, puis au Mexique et enfin aux États-Unis, en train.

Le récit est découpé en quatre parties. Mexique, New-York, Amérique et en guise d’épilogue, Départ.

Quatre parties pour quatre regards et des chroniques absolument réjouissantes de la vie comme il ne l’a jamais vue : Une petite sociologie sur paquebot, l’impérialisme américain sur La Havane vu du Prado.

Au Mexique, pas d’indiens mais la découverte d’«un mode de vie à la fois étrange, particulier et étonnant ». Maïakovski découvre une culture extrêmement différente de la sienne dont il dépeint l’exotisme sans condescendance mais avec un regard amusé, qui égratigne gentiment la façon mexicaine de penser et de vivre la politique.

Le regard du poète soviétique sur le communisme païen d’un Diego Rivera ou la poésie sentimentale mexicaine est touchant de cette incompréhension qui teinte toutes les rencontres avec l’Autre.

À New-York, les mots du poète et du communiste se mêlent mieux encore et donnent une prose hybride ou réalisme subjectif et ambivalence lucide atteignent des sommets.
L’émerveillement du poète futuriste pour la modernité américaine est sincère mais sans candeur et c’est les yeux grands ouverts sur les conditions de travail et de vie des travailleurs, broyés par un capitalisme rouleau compresseur que Maïakovski peint les lignes d’une ville labyrinthe, aussi loin du ciel qu’elle le touche et baignée de lumière-électricité.

« Ils sont des centaines de milliers à prendre la même direction pour rejoindre leur lieu de travail. Leurs cirés jaunes, pareils à une infinité de samovars, bruissent et brillent sous l’électricité. Ils sont trempés mais ne peuvent pas s’éteindre, malgré cette pluie. »

Et que d’humour dans ces pages, loin des emphases, le poète y est souvent espiègle :

« Les gens un peu plus pauvres (pas pauvres, mais un peu plus pauvres) mangent mieux, les riches mangent moins bien. Les uns peu plus pauvres mangent chez eux de la nourriture fraîchement achetée, éclairés à l’électricité, et se rendent bien compte de ce qu’ils avalent.
Les plus riches mangent dans des restaurants onéreux des cochonneries très épicées, avariées ou en conserve, et ils mangent dans la pénombre parce qu’ils préfèrent les bougies à l’électricité. […] toute l’électricité appartient à la bourgeoisie et elle mange à la lueur de bouts de chandelles. »

Le regard sur la société, c’est la lutte des classes. Le cosmopolitisme new-yorkais, un étonnement permanent pour le russe rouge, mais blanc.
Maïakovski a écrit Ma Découverte de l’Amérique pour les russes et en Russie et si le prisme idéologique est omniprésent, il n’opacifie rien des lumières que l’on sent briller dans l’œil du poète, aussi critique et caustique soit-il.

La partie « Amérique » est plus fourre-tout, mais tout aussi intéressante. Il y est question de  trains, de Chicago, de Détroit et de Ford, de capitalisme financier et de racisme. Mais aussi d’architecture et des freins américains au communisme.

Et cette conclusion en forme d’oracle :

« Les banques mènent une folle campagne pour que les ouvriers ouvrent des comptes.
Ces placements créent progressivement la conviction qu’il faut davantage se soucier des pourcentages que du travail.
L’Amérique va devenir un pays de finance et d’usure uniquement… ».

L’Amérique des années 20, un poète russe à la partialité sincère, un fort beau bouquin.
Aux Éditions du Sonneur et chez vos meilleur.e.s libraires.

Éditions du Sonneur
Traduction de Laurence Foulon
152 pages
Héloïse

 

À propos Héloïse

Chroniqueuse

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