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Redrum – Jean-Pierre Ohl

Amoureux du bon vieux cinéma en 2D et spécialiste reconnu dans cette communauté confidentielle du cinéma de Stanley Kubrick, Stephen Gray, universitaire écossais, est convié par le grand magnat Onésimos Némos, à un colloque sur le grand cinéaste. Tandis que le monde vacille sur la brèche d’un conflit nucléaire mondial alors que se tient à Rangoon une énième conférence de médiation pour calmer les ardeurs guerrières du général Trinh, une demi-douzaine d’accro au cinéma vieille génération se retrouvent sur l’île privatisée de Némos pour discuter Odyssée de l’espace, Barry Lindon et autre Shining.Accueillis par des sosies de grandes stars hollywoodiennes des années 50, les participants s’interrogent sur le pourquoi de cette convention intimiste et, surtout, sur les raisons qui ont poussées Némos, loin de l’amateur de films sur bobines, à l’organiser.

Pour Stephen Gray, rencontrer Onésimos Némos a un goût différent. En effet, ce mystérieux personnage a été l’employeur de son père, qui a créé pour lui la Sauvegarde. Imaginez pouvoir, à tout instant, convoquer vos chers disparus et passer avec eux un moment virtuel. C’est cela que permet la Sauvegarde, c’est cela qui a hanté, jusqu’à sa mort, le père de Stephen.

Jeu sur la mémoire ou véritable capture de la personne perdue ? Ces événements sont d’autant plus troublants que la fameuse île privée d’Onésimos Némos est celle dont est originaire sa famille, ses ancêtres pêcheurs dont les fantômes ont accompagné son enfance. Et tandis que la petite bande de chercheurs arpente le cinéma kubrickien et que la politique mondiale se fissure, se déchire doucement le tissu de la réalité, laissant Stephen sur le fil, entre ses rêves, ceux de Némos, les fantômes et un vaisseau circulaire, tournant au rythme des étoiles, dans son mouvement infini.

La référence à Kubrick, explicite dans le titre (et non, le héros n’est pas un spécialiste de Stephen King, bien qu’ils partagent un prénom), se retrouve par bribes dans le texte. Le dictateur fou nous rappelle Dr. Folamour, Stephen (Gray, pas King) a été marqué au fer rouge par 2001, l’odyssée de l’espace, Barry Lindon est sa référence en matière de relations amoureuses et l’on guette tout le long de l’histoire le moment Shining, un Redrum ou une hache, au choix (il arrive lectrices, lecteurs, l’attente n’est pas déçue !). Mais c’est surtout du rapport à la réalité dont il est question ici. Entre la vraie vie et le cinéma, dont les stars les plus emblématiques (Gene Tierney, Marilyn Monroe, Audrey Hepburn) accueillent les participants au symposium. Entre la vie sur cette île, coupée du reste du monde qui risque de disparaître dans un beau champignon de fumée. Et surtout entre le passé de Stephen, rempli des fantômes des pêcheurs familiaux de l’île de Scarba, de ses parents, et ce présent virtuel qui ressuscite les morts alors que toute sa vie Stephen les a côtoyés.

Si l’on est un peu déçu en s’attendant à une présence kubrickienne plus renforcée dans ce roman, nous avons à faire avec un texte d’anticipation très efficace et bien construit, qui nous emporte dans ce décalage de la réalité et nous laisse aller jusqu’aux plus extrêmes folies de Némos, jusqu’à ce que Stephen ouvre les yeux (ah, pardon, pas le bon réalisateur celui-là…)

redrum couv243 pages

éditions de l’arbre vengeur

Marcelline

photo en une (c) Gavin Aung Than

À propos Marcelline

Chroniqueuse/Co-Fondatrice

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