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The Marble Faun – Nathaniel Hawthorne

The Marble Faun: Or, The Romance of Monte Beni (Le Faune de Marbre) est un roman de Nathaniel Hawthorne, publié en 1860. Il s’agit du dernier roman qu’Hawthorne ait achevé.Le roman suit quatre personnages : Miriam, Donatello, Hilda et Kenyon, qui se sont rencontrés à Rome et visitent ensemble plusieurs galleries d’art, admirant peintures et sculptures.  Le roman s’ouvre sur les quatre personnages admirant le Faune de Praxitélès. Les trois artistes, Miriam, Hilda et Kenyon sont frappés par la ressemblance entre le faune de marbre et leur ami Donatello. A partir de ces prémisses, le lecteur découvre peu à peu que cette scène, apparemment innocente, touche à de nombreux points d’ombre de l’histoire de ces personnages.

The Marble Faun est un roman gothique (comment deviner qu’il s’agit d’un roman gothique ? Dès que vous voyez “A Romance” ou “A Tale” dans le titre d’un roman du XIXème siècle, il y a de fortes chances qu’il s’agisse d’un roman gothique) ce qui prédispose le lecteur à considérer l’hypothèse étrange que Donatello est en réalité un faune, tout comme Dracula est un vampire. Pour quelle autre raison serait-il aussi réticent à montrer ses oreilles, sans cesse recouvertes par ses boucles brunes ? Les étranges mythes qui entourent la famille du jeune homme, les Monte Beni, seraient-elles reflet d’une réalité encore plus étrange ? Donatello serait-il un nouveau type de monstre, mi-homme mi-faune comme Helen Vaughan de l’oeuvre d’Arthur Machen, The Great God Pan ?

Cependant, l’histoire intrigante de Donatello n’est pas la seule intrigue du roman. Le jeune homme est en effet épris de l’énigmatique peintre Miriam dont on ne connait ni les origines ni les raisons de son séjour à Rome, mais qui fait l’objet de nombreuses rumeurs, certaines plausibles, d’autres inquiétantes.

L’histoire de Miriam et celle de Donatello ne seront jamais complètement résolues, ce qui, selon votre humble narratrice, fait toute la richesse d’un roman. Ce sont ces questions qui restent une fois que le récit est achevé qui rendent un roman tout à fait passionnant. Cependant, certaines intrigues du roman trouvent une résolution, du moins une résolution partielle, comme l’intrigue que suivent Hilda et Kenyon, les deux artistes américains.

Mais avant de se lancer dans les détails, procédons au “kit de survie” :

  • Vous allez avoir besoin d’une certaine connaissance, même une vague connaissance, de la Théogonie d’Hésiode. Hawthorne fait en effet référence à ce poème de nombreuses fois, notamment au concept des Âges de l’Homme : l’âge d’or, l’âge d’argent, l’âge d’airain et l’âge de fer. L’âge d’or, comme son nom l’indique, est une sorte d’ère pré-lapsarienne où l’Homme est innocent, heureux et ne souffre pas. La Nature est abondante et offre généreusement ses fruits aux hommes. Donatello est souvent décrit comme faisant partie de cet âge et son château ainsi que ses alentours semblent être un voyage dans ce passé perdu qu’est l’âge d’or. Hawthorne fait également plusieurs fois référence aux autres âges, particulièrement à l’âge de fer pour décrire l’époque contemporaine. Les différents âges font partie du discours de l’auteur sur l’époque dans laquelle il vit.
  • Si l’âge d’or décrit le monde dans lequel Donatello semble vivre, le jeune homme est principalement défini par sa similarité avec les faunes. Par conséquent, une certaine connaissance des faunes, des mythes qui les entourent, de leur caractéristiques sera d’une grande aide. Par exemple, les amis de Donatello appellent la campagne où il est né “Arcadie” en référence à la région montagneuse en Grèce où, selon le mythe, les faunes vivent. Le roman fait également de nombreuses références aux Bacchanales et aux Saturnales, non seulement pour les cérémonies auxquelles ces cérémonies donnent lieu mais également pour l’esprit et le chaos que ces fêtes représentent. Le roman sera nettement plus compréhensible si vous connaissez les mythes qui entourent les faunes.
  • Cela peut sembler contradictoire, mais le roman est également profondément influencé par les convictions religieuses de l’auteur. Nathaniel Hawthorne est influencé par le Puritanisme. Or l’intrigue se déroule à Rome. Le puritanisme et le catholicisme se rencontrent à de nombreuses reprises dans ce roman et une connaissance, ne serait-ce qu’une connaissance générale des différences entre les deux sera très précieuse. Si vous connaissez Hawthorne, vous savez que les thèmes du pêché et de la culpabilité se retrouvent dans toutes ses œuvres. Or, l’approche du catholicisme sur ces deux thèmes est quasiment diamétralement opposée à celle du puritanisme. Comprendre ces différences vous aidera à comprendre les personnages et certains éléments de l’intrigue.
  • La préface que Nathaniel Hawthorne a écrite pour son roman est très éclairante également. L’auteur y explique plusieurs de ses choix, tels que l’irrésolution de l’histoire de Miriam et le fait que la scène ait lieu à Rome. Vous pourrez également y lire de magnifiques passages comme : “La romance et la poésie, le lierre, le lichen et les giroflées, ont besoin de ruines pour pousser.”

En ouvrant Le Faune de Marbre, vous vous apprêtez à lire un roman gothique tout à faut unique. Même si Nathaniel Hawthorne qualifie son roman de gothique, on pourrait également le définir comme un roman noir car il présente de très nombreuses similitudes avec les romans romantiques (vous allez beaucoup penser à L’Ensorcelée Jules Barbey d’Aurevilly)

Le Faune de Marbre est une sorte de gothique arcadien, fondamentalement différent du gothique vampirique, si cela fait sens. Vous imaginez les rues de Londres éclairées par des lampes à gaz, les couloirs oppressants des châteaux tombant en ruines et le lourd parfum du sang. C’est le gothique vampirique. Le gothique arcadien est plutôt du côté des musées désertés, des rues de Rome la nuit, le rythme irréel des promenades de nuit, les vins étranges de châteaux presque abandonnés et l’étrange sensation de ne pas être totalement dans le monde réel. Dans un sens, le roman se rapproche plus du gothique de la fin du XVIIIème siècle que de celui de la fin du XIXème siècle. Vous trouverez même une référence aux Mystères d’Udolphe d’Ann Radcliffe ! En effet, le château des Monte Beni se tient majestueusement au même endroit que le château d’Udolphe, dans les Apennines !

Vous allez sentir la différence dès les premières pages : le roman présente tous les topoï du gothique, mais l’ambiance est complètement différente de celle des romans gothiques anglais. Vous allez avoir l’impression d’être dans un espace liminal pendant plus de quatre cent pages. Et ce sera génial.

Parmi les descriptions absolument magnifiques du roman, vous trouverez de nombreux tableaux tout à fait passionnants sur la vie artistique à Rome. Depuis le système des ateliers des peintres jusqu’au processus de création d’une sculpture, vous découvrirez la vie des artistes, certes légèrement romancée, mais tout de même incroyablement précieux et riche en informations.

Revenons un instant à l’intrigue. Donatello est épris de la mystérieuse peintre Miriam dont le mystérieux passé revient la hanter sous la forme d’un mystérieux personnage rencontré dans les catacombes (qui sont aussi très mystérieuses parce que nous sommes dans un roman gothique, tout est mystérieux) Cet étrange spectre suit Miriam comme une ombre, comme les Erinyes suivant Oreste, lui rappelant une transgression passée que le lecteur ne découvrira jamais. L’amour que Donatello porte à Miriam, un amour si simple et si pur, le pousse à commettre un acte irréparable. Miriam et Donatello échappent à la justice mais sont torturés par la culpabilité qui les métamorphose et les détruit peu à peu. Si vous pensez Macbeth ou même “The Tell-Tale Heart” d’Edgar Allan Poe, vous avez l’ambiance.

L’intrigue de Miriam et de Donatello est tressée à celle de leurs deux amis américains, Hilda et Kenyon. Hilda est peintre, elle produit de parfaites reproductions des tableaux de peintres de la Renaissance. Kenyon est un sculpteur dont les sujets sont tirés de la mythologie grecque lorsqu’il n’est pas occupé à reproduire dans le marbre la perfection d’Hilda. Tous les personnages de ce roman sont incroyablement intéressants, mais votre humble narratrice doit avouer avoir un faible pour Hilda. Hilda est décrite comme la voix harmonieuse et froide de la raison, elle est comme une idole à admirer de loin, qu’aucun sentiment impur ne peut toucher. Elle est opposée à son amie Miriam comme le néo-classique est opposé au romantisme. Cependant, lorsque Miriam lui dévoile son secret, Hilda est tachée, en quelques sortes, par l’horreur de cette révélation. Tiraillée entre l’amitié qu’elle voue à Miriam et son désir de pureté, de vivre selon les valeurs puritaines de son enfance, Hilda nous mène à travers son propre labyrinthe intérieur où elle se perd comme elle se perd dans les rues de Rome. L’histoire d’Hilda se termine de manière très lynchienne. On se croirait dans Mulholland Drive ou dans la Red Lodge de Twin Peaks. Le rêve et la réalité se confondent, ce qui ne devrait pas être possible se déroule, et la narration perd toute logique. L’histoire d’Hilda est tellement unique et exceptionnelle qu’elle vaut la peine de lire le roman, ne serait-ce que pour cela.

Mais Le Faune de Marbre est encore plus que l’histoire d’Hilda, ou celle de Miriam et de Donatello.   Il s’agit d’un récit à la fois esthétique, moral et transcendental. En lisant ce roman, vous aurez l’impression de marcher dans un rêve, dans un de ces tableaux romantiques trop beaux pour être réels, vous allez être entraînés dans une promenade onirique, faîte de musées, de douces nuits d’été, de ruines, des jardins estivaux, de mascarades, de châteaux en train d’être abandonnés. Nathaniel Hawthorne instaure une ambiance tout à fait unique dans son roman et, votre humble narratrice le pense vraiment, tout à fait inégalable. La visite de Kenyon au château des Monte Beni dans les Apennines et l’histoire du vin ensoleillé est absolument inoubliable. Le lecteur a véritablement la sensation d’être retourné à l’Âge d’Or, ne serait-ce que pour le voir s’effondrer en de merveilleuses Saturnales avant de laisser place aux Âges suivants.

L’image de couverture est un tableau du peintre français Michel-Ange Houass, intitulé “Bacchanale”, peint en 1719.


437 pages

traduction par Roger Kann

José Corti Editions

À propos Anne-Victoire

Chroniqueuse

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