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The Moth Diaries – Rachel Klein

The Moth Diaries (Le Journal du Papillon de Nuit est une des traductions) est un roman de Rachel Klein, publié en 2002.

Vous avez probablement déjà lu cette histoire des centaines de fois : plusieurs jeunes filles dans un internat font face à un vampire.

Ne fermez pas tout de suite la page ! L’histoire n’est certes pas originale, mais l’auteur l’est.

Votre humble narratrice n’a jamais lu un roman fantastique mené avec autant de brio. Revenons un moment sur la définition du fantastique. Le fantastique est basé sur l’hésitation du lecteur face aux évènements : la porte qui vient de claquer, est-ce à cause d’un coup de vent ou d’un fantôme ? Vous ne le saurez jamais ou juste à la fin. Le lecteur et souvent le personnage principal peuvent interpréter les évènements comme étant surnaturels ou comme ayant une explication tout à fait rationnelle. Dès que l’hésitation cesse, le fantastique disparait. C’était une très brève définition du fantastique. Si vous voulez en savoir plus, je vous conseille Introduction à la littérature fantastique de Todorov.

Revenons à nos étudiantes et à nos vampires.

Le lecteur découvre l’histoire à travers le journal intime du personnage principal, Rebecca. La préface nous apprend que Rebecca publie son journal car son psychiatre le lui a conseillé. Premier doute : pouvons-nous faire confiance à une narratrice qui avoue d’elle-même ne pas être sûre de ce qu’il s’est réellement passé ?

Le journal intime (magnifiquement comparé à une ”maison de poupées”) révèle l’histoire troublante de l’arrivée d’Ernessa. Ernessa est une magnifique jeune fille héritière d’une immense fortune. Elle a tout pour plaire et semble beaucoup plaire à Lucy, la camarade de chambre de Rebecca. L’amitié de Lucy et de Rebecca est très ambigüe et la jalousie que Rebecca ressent lorsque Lucy la délaisse pour passer de plus en plus de temps avec Ernessa suggère au lecteur que l’amitié ne suffit pas à définir leur relation. Deuxième doute : Rebecca essaye-t-elle de ”démoniser” Ernessa parce que celle-ci menace sa relation ambigüe avec Lucy ?

Sous l’influence d’Ernessa, Lucy semble affligée d’une terrible maladie. Elle ne mange plus, dors toute la journée, refuse de parler à Rebecca et passe tout son temps avec l’étrange Ernessa. Troisième doute : Ernessa n’entraînerait-elle pas simplement Lucy dans l’anorexie au lieu de boire son sang une fois la nuit venue ?

Rebecca n’a pas seulement à se soucier de Lucy et d’Ernessa : elle doit faire face à beaucoup de problèmes. Son père, un poète qui lui a inspiré le titre de son journal, s’est suicidé il y a deux ans et la jeune fille essaye de se réconcilier avec l’idée de la mort alors que sa mère se laisse lentement consumer par la dépression. Rebecca a également été assignée à un cours de littérature sur le roman gothique. Quatrième doute : entourée par la mort et inspirée par ses cours, Rebecca ne projette-elle pas ce qu’elle imagine sur la réalité plus ennuyeuse qu’elle doit vivre ?

Parmi tous ces doutes, quelques certitudes sont offertes au lecteur : Ernessa est une jeune fille très étrange. Elle ne prie pas pendant la messe, elle ne mange jamais et a visiblement du mal à se lever pour assister aux cours du matin.

L’obsession de Rebecca pour Ernessa est fascinante. Rebecca est une jeune fille sage et obéissante et elle va peu à peu risquer de plus en plus pour démasquer sa rivale. Le ressemblance entre les deux personnages est également passionnante : au final, Ernessa et Rebecca se ressemblent énormément. Elles sont toutes les deux fascinées par Lucy, elles sont toutes les deux non-chrétiennes dans un internat clairement chrétien et lors d’une scène très troublante, Ernessa murmure à Rebecca qu’elles se ressemblent tellement qu’on pourrait les confondre.

Rebecca projette-elle sur la mystérieuse Ernessa ce côté sombre et morbide qu’elle est si terrifiée de trouver en elle-même ?

Beaucoup d’auteurs appelés ”réalistes” ont été fascinés par le roman gothique (aussi appelé roman noir en France) notamment Balzac qui a écrit une nouvelle ”Melmoth Réconcilié”, inspiré de Melmoth le Voyageur de Mathurin, considéré comme un des derniers romans gothiques. Derrière les éléments surnaturels et l’horreur qu’ils inspirent, on trouve quelque chose de viscéralement proche de nous. Le lecteur trouve un écho de lui-même dans cette histoire fantastique qui mêle vampires et folie.

The Moth Diaries est aussi l’histoire de jeunes filles enfermées loin du monde, tentant désespérément de gagner un peu de liberté là où elles peuvent en trouver. Dans la préface, Rebecca explique que ce journal est un peu comme une maison de poupée et le lecteur éprouve une excitation morbide en se préparant à découvrir une histoire qui n’était pas faite pour ses yeux.

En 2011, Mary Harron, la réalisatrice d’American Psycho, a adapté ce livre à l’écran avec les talents incroyables de Lily Cole, Sarah Gadon et Sarah Bolger. Le film est captivant et fascinant mais oublie complètement la dimension fantastique pour privilégier l’explication surnaturelle. La bande-son où figure Marina and The Diamonds reflète bien l’ambivalence du roman : ambiance morbide et histoires acidulées.

The Moth Diaries est un roman captivant qui ne vous laissera pas reprendre votre souffle jusqu’à la fin. Courrez le lire et… ne faîtes pas trop de cauchemars ?

Moth - couverture

Faber & Faber

250 pages

Anne-Victoire

À propos Anne-Victoire

Chroniqueuse

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