Accueil » ... » Véronique Poulain – Les Mots qu’on ne me dit pas
Les mots qu'on ne me dit pas

Véronique Poulain – Les Mots qu’on ne me dit pas

Les Mots qu’on ne me dit pas est le premier livre écrit par Véronique Poulain. L’autrice témoigne ici de son enfance et de son adolescence, avec pour particularité d’être née entendante quand ses deux parents sont sourds. Il sera question, entre ces pages, de tendresse, de colère et d’un couple qui fait l’amour très bruyamment sans s’en rendre compte.

De son enfance, Véronique Poulain retiendra ses jeux avec sa cousine, elle aussi entendante élevée par des parents sourds. Elle se rappelle la fierté de savoir parler deux langues, le Français et la Langue des Signes. Mais elle se souvient aussi de la honte qu’elle ressent quand tout le monde la dévisage alors qu’elle échange avec sa mère dans le métro.

Il faut dire qu’avant les années 1980, en France, la surdité est considérée comme un handicap et les sourds comme faibles d’esprit. Avec une langue à soi, et donc une culture à part entière, le monde sourd est pourtant d’une richesse insoupçonnée. Véronique se rappelle aussi sa colère pour ces inconnus qui jugent ses parents sans les connaître.

Puis vient pour elle l’âge d’aller à l’école. Elle y prend plaisir à parler, bavarder avec d’autres entendants. Elle apprend aussi à lire, et c’est pour elle un véritable bouleversement. Sur les pages elle dévore tout ces mots qu’on ne lui dit pas.

Sa situation entraîne encore beaucoup d’incompréhension. L’ignorance de la plupart des entendants provoque aussi des situations ridicules dont elle apprend à s’amuser en grandissant.

Adolescentes, elle et sa cousine profiteront même de la surdité de leurs parents pour faire entrer en douce des amis chez elles en pleine nuit. Éclats de rire et musique à fond, sans craindre de réveiller ceux qui dorment dans la pièce à côté.

Véronique Poulain déroule les anecdotes drôles et tendres, les scènes de sa vie quotidienne.

Je suis tellement fière. Je le dis à tout le monde. Ma mère, une fois de plus, vient me chercher. Elle articule un « Excuse-moi » déformé. Je la coupe illico en langue des signes pour montrer que je sais parler les deux langues. Je n’aime pas trop quand elle essaie de faire comme nous. Je crâne. Je fais la maline. Je ne peux pas m’en empêcher. Je décide que ma différence sera un atout.

A l’aube des années 1980 la LSF est enfin reconnue comme une langue à part entière. Les parents de Véronique commencent même à l’enseigner à des entendants. Son oncle, qui revient des Etats Unis, où il a découvert le Gallaudet College, œuvre lui aussi beaucoup pour la reconnaissance de la culture sourde. Là bas, l’enseignement supérieur est accessible aux sourds et les cours sont dispensés en Langue des Signes dans toutes les disciplines. La France a décidément un énorme retard à rattraper.

Peu à peu la société inclura mieux les sourds. Les traducteur·ices du JT dans un petit cadre en bas de l’écran ou les sous-titres plus fréquemment disponibles constitueront les premiers efforts vers plus d’inclusivité.

Le court récit de Véronique Poulain témoigne de l’évolution de notre société face à la culture sourde. C’est aussi une lettre d’amour à ses parents, forte et émouvante.

Véronique Poulain, Les mots qu'on ne me dit pas, StockParu le 20 août 2014 aux éditions Stock,

dans la collection La Bleue.

144 pages

Ce récit a par ailleurs inspiré Eric Lartigau pour son film La famille Bélier, sorti en 2014.

Amélie

À propos Amélie

Bibliophage et souris de bibliothèque depuis 1989.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Powered by keepvid themefull earn money