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Wilfrid Lupano & Stéphane Fert – Blanc autour

Cette histoire se déroule aux États-Unis (plus précisément dans l’état du Connecticut), il y a moins de deux cents ans. Il n’y a pas si longtemps de cela donc que Prudence Crandall, l’unique institutrice de la petite ville de Canterbury, a accueilli dans sa classe la jeune Sarah Harris Fayerweather. Jusqu’à lors, l’école était réservée aux filles blanches et issues de bonne famille, or Sarah est noire.
Dans cette tranquille bourgade du Nord, partie du pays considérée à l’époque comme plus progressiste et moins marqué par le racisme que le Sud, cette nouvelle déclenche l’indignement des habitants : il s’agit d’une calamité, d’un véritable danger pour la réputation de leurs enfants (blanches)  et du village tout entier au passage ! Une première vague de contestations haineuses s’abat alors sur la professeure.

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Ne l’entendant pas de cette oreille, Miss Crandall va entreprendre une action encore jamais vue jusque là : elle va réserver son enseignement et son établissement uniquement aux filles noires, quel que soit leur condition. C’est ainsi que petit à petit, de nouveaux visages pointent le bout de leurs nez à Canterbury, venus de la région même, ou encore des états alentour. Une dizaine de jeunes femmes rejoignent ainsi les bancs de l’école, la toute première de l’histoire qui leur est réservée. Voilà que l’accès à l’enseignement s’ouvre devant elles, enfin.

Mais les habitants commencent à créer une véritable névrose collective autour de Prudence Crandall et de pensionnaires, cristallisant toute la haine et le racisme ordinaire sur cette poignée de femmes. Leur argument principal : l’exemple de Nat Turner, un esclave dont la révolte sanglante menée quelques années auparavant a marqué les esprits… Sans compter qu’il savait lire et écrire. Dans ces esprits encore étouffés par l’obscurantisme, éclot alors un raccourci dangereux : celui qu’une personne noire lettrée et instruite sera forcément dangereuse.
Les conditions de vie et d’éducation des jeunes filles sont rapidement à la limite du supportable : les villageois vont jusqu’à empoisonner le puits de l’école, clouer des animaux morts sur sa porte, interceptent et pillent leurs livraisons de ravitaillements… Sans compter les insultes et les pierres jetées au travers des carreaux ou en plein visage. La situation devient tellement dangereuse qu’une décision s’impose.

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Blanc autour est une bande dessinée douce-amère, qui nous plonge dans la violence du racisme pendant la ségrégation. L’acharnement aveugle et incongru que placent les habitants de Canterbury dans l’opposition à l’éducation pour tous, quel que soit leur condition, leur couleur de peau ou leur genre, fait froid dans le dos. Cependant, il y a aussi un fort message de sonorité et d’espoir qui transparait pendant cette lecture, accentuée par le trait rond et très doux de Stéphane Fert, et par les situations attendrissantes imaginées par Wilfrid Lupano. L’ambiance picturale, et la dominance des couleurs automnales et sourdes, apportent une ambiance calfeutrée, presque intimiste. En quelques pages, on saisit tout simplement la personnalité des différents personnages, s’attachant rapidement à  Sarah et ses camarades, ainsi qu’à Miss Crandall et son père.

C’est par ailleurs cet équilibre entre histoire réelle et fiction qui rend le récit encore plus concret et marquant.  Cette oscillation entre haine infondée et stupide et apartés plus légers nous plongent dans le quotidien des jeunes élèves, qui malgré l’acharnement qu’elles subissent, continuent de se battre et de faire face. La professeure elle-même n’est pas montrée comme une figure irréprochable, étant confrontée à ses préjugés et la limite de son savoir et de ce qu’elle peut transmettre à ces élèves noires, en tant que femme blanche. Une histoire parallèle, celle d’un jeune garçon vagabond (que certains qualifient de libre et d’autres de sauvage), soulève également de nombreuses autres questions autour de la citoyenneté ou de la discrimination.
De plus, la postface de Blanc autour propose un contenu détaillé sur cette histoire et sur ses protagonistes, qui ont réellement existé, et dont les actions et la résilience ont participé à l’accès à l’éducation pour toutes et tous aux États-Unis. 

 À travers le prisme d’une histoire vraie marquée par la ségrégation, Blanc autour rappelle que beaucoup de choses que nous prenons pour acquises datent seulement d’hier. Un album qui remet en lumière des combats peu connus, ainsi que des situations discriminantes d’une violence inouïe, dont les échos se font toujours ressentir. Une leçon d’Histoire importante, qui pourra peut-être découler sur une prise de conscience essentielle.

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Dargaud éditions
144 pages
Caroline

À propos Caroline

Chroniqueuse

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