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Alma Guillermoprieto – La révolution, la danse et moi

New York, 1970. Alma Guillermoprieto, jeune femme  d’origine mexicaine, se consacre à sa passion : la danse contemporaine.
Elle suit les cours de danse de Martha Graham, apprenant à faire de son corps un matériau qu’il faut travailler sans relâche. Martha Graham, âgée et alcoolique, est tyrannique et terrorise ses élèves. Alma décide de quitter son studio pour rejoindre celui du célébrissime maître de l’avant-garde new-yorkaise : Merce Cunnigham.
Merce Cunningham est l’être le plus charmant au monde. Élégant et courtois, il pousse ses élèves vers le meilleur.
Mais la danse reste un art confidentiel, qui ne permet pas ou peu de vivre convenablement. Beaucoup doivent se résoudre à avoir un autre travail à côté.

Un soir, après une répétition au Métropolitan, Merce aborde Alma et lui parle de la possibilité d’un contrat comme professeur de danse à Cuba.
La vie au Village se dégrade. L’héroïne a envahi les rues, les cambriolages se succèdent. De nombreux jeunes hippies  prennent la route pour un ailleurs meilleur. L’ambiance est morose.

Que sait de Cuba Alma ? Pas grand chose.
Ella a entendu des témoignages de danseurs cubains exilés regrettant la mère patrie, les couchers de soleil sur le Malecon à la  Havane, la rumba, les romances.
Et puis la toute jeune révolution. Fidel et le Che affrontant la puissante voisine américaine, pour un état et une cause justes.
“Terreur face à n’importe quel type de violence et méfiance envers tout ce qui avait à voir avec le mercantilisme et surtout la publicité ” : être révolutionnaire pour Alma, c’est ça.

Alma, après mûre réflexion, décide de se mettre à l’épreuve et d’accepter le poste, de partir vivre là où on est contraint de vivre sans frigo ( une horreur inconcevable pour sa mère ) à cause de l’embargo. Ensuite elle reviendra, meilleure professeure, plus expérimentée. Et puis, ce n’est que pour un an.

Le 1er mai 1970, Alma atterrit à la Havane, avec dans sa valise, des livres ( on lui a dit qu’on en trouvait peu à Cuba ), un flacon de parfum hors de prix et un lecteur de cassettes-enregistreur.
A l’aéroport, un douanier estomaqué fait le tri : d’un côté les cassettes subversives, de l’autre le chocolat. Il est pour qui ce livre ? Qui vient vous chercher ?
Bienvenue à Cuba.
Direction l’Ecole Nationale des Arts, dans un taxi où le chauffeur est effrayé de voir la jeune femme sortir des dollars de son porte monnaie : ” tu veux t’attirer des ennuis ? Range ça de suite !’.
Accueillie à l’école en pleine nuit par une déléguée du parti communiste, Alma, déprimée par l’ambiance, tombe malade et atterrit à l’hôpital militaire, où elle est soignée par un médecin prompt à servir la révolution et soigner l’internationaliste souffrante.
C’est à l’hôpital qu’elle entend parler pour la première fois des 10 millions. Les 10 millions de quoi ? Les 10 millions de tonnes de cannes à sucre qu’il fallait couper, pour “surmonter le blocus impérialiste et démarrer, réellement, la construction du socialisme”. Une idée de Fidel. Qui s’avérera un fiasco.
Alma découvre l’école, ses élèves tous plus ou moins médiocres du fait du manque de moyens.
Elle découvre aussi et surtout la vie cubaine, entre fierté révolutionnaire et débrouille, où chacun.e se bat pour trouver à manger, à boire. Pour se vêtir. Pour penser . Elle découvre le travail obligatoire. La persécution des homosexuels.
Elle découvre comment tout, même le miroir d’une salle de danse, est politique. Comment tout est révolutionnaire et contre-révolutionnaire.
Fidel fait peu de cas de l’art, et particulièrement de la danse jugée dangereuse pour la virilité des jeunes cubains.
Et c’est elle même qu’elle découvre. La dureté de la vie cubaine, encadrée et policée, fait naître en elle une conscience politique qu’elle ne connaissait pas.

“La révolution, la danse et moi” est un récit tout à la fois initiatique, autobiographique et historique.
Le récit de l’expérience cubaine de l’autrice est tout entier basé sur le point de vue de la jeune fille qu’elle était, avec toute sa naïveté.
Riche en anecdotes, ce livre nous apprend beaucoup, et de manière vivante, des conditions de vie des cubains dans les années 70, de la ferveur envers Fidel, le Che et la Révolution, mais aussi de la résilience et de la force de ce peuple meurtri et muselé.

Alma Guillermoprieto est devenue par la suite une journaliste reconnue internationalement, très investie dans la culture et la politique latino-américaine.

Editions Marchialy, 2020

Trad. Vanessa Capieu
Illustration de la couverture : Guillaume Guilpart
355 p.

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