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Anne Simon L'institut des Benjamines couverture

Anne Simon – L’institut des Benjamines

Avec L’institut des Benjamines, Anne Simon continue de développer l’univers du Marylène, pays imaginaire marqué par les prises de pouvoirs et les dirigeant·es, mais surtout par leur grandeur et leur décadence. Ballotté·es entre des régimes tyranniques puis utopiques, ses citoyen·nes ont connu tour à tour la terreur, la pauvreté, l’espoir, mais aussi l’invasion de la pomme de terre. 

Dans ce cinquième opus des Contes du Marylène, l’autrice se penche sur le destin de Simone Michel, l’ancien bras droit de la reine déchue Aglaé. Alors que le royaume est sous le joug terrible de Boris la patate et de son armée de frites-guerrières, Simone fomente une révolution dans le secret d’une épaisse forêt.
Pour renverser cette dictature et abolir l’odeur de friture rance qui l’accompagne, Simone est prête à tout et ne reculera devant aucun sacrifice, allant jusqu’à basculer dans des extrêmes dangereux et plus que discutables. 

Anne Simon L'institut des Benjamines

Dans une école à l’abri des regards, elle entraîne une milice clandestine formée de fillettes kidnappées au bord des routes ou sur les paliers de maisons. Au programme de ces Benjamines : éducation stricte, hygiène bucco-dentaire irréprochable, torture de cobaye et bon gros lavage de cerveau. Renommée Monsieur le Directeur, Simone s’évertue à gommer tout libre arbitre de l’esprit de ses jeunes pensionnaires afin d’en faire une armée enragée et parée à servir aveuglément une cause qui ne leur appartient pas.

Déployant son grand talent de conteuse et de dessinatrice, Anne Simon articule ses idées autour d’influences bigarrées, alliant des inspirations pop et classiques, donnant à ses personnages des silhouettes, des noms et des caractères qui ne sont pas sans rappeler étrangement des dirigeant·es ou des figures bien réel·les. Le récit en lui-même fait d’ailleurs écho à des pans de notre Histoire, parfois de manière douloureuse ou bien comiques, tour à tour synonymes d’avancées ou d’obscurantisme. Volume après volume, l’autrice met en lumière les différentes facettes de notre société marquée par les révoltes, les prises de pouvoirs, l’éclat et la déchéance. 

C’est ainsi que les les personnages centraux de chaque volet sombrent les uns après les autres dans des extrêmes bien humains, tombant tête la première dans la mascarade aliénante de la domination. Simone ne fait pas exception à la règle. Habitée par une misandrie furibonde, elle prône la démocratie sans en expliquer les principes, n’hésite pas à imposer sa vision à grand coup de bourrage de crâne et ferme les yeux sur des traitements bien peu éthiques. Cependant, celles et ceux qui l’entourent se rebellent, s’opposent ou fuient. Tout mouvement déclenche une résistance, et l’avenir du Marylène semble encore bien incertain…

À la fois étoffés et foisonnants, chaque chapitre des Contes du Marylène fait écho à un ensemble aux ramifications travaillées. Les détails semés çà et là complètent une fresque bien plus large, où l’on croise et recroise les mêmes personnages d’un livre à l’autre. Leurs destins se heurtent, habités par la soif de liberté, l’envie de régner en despote ou d’établir un idéal implacable.
Cette saga est portée par le trait enfantin et biscornu de l’autrice, qui affectionne les figures anthropomorphiques aux têtes d’animaux habillés dans un style très 70’. Sa force de narration et son langage graphique s’équilibrent à merveille, laissant toujours flotter un léger décalage entre l’amertume des faits qui s’y déroulent et la manière dont ils nous parviennent.

Vous allez voir, la lecture de L’institut des Benjamines picote et caresse, fascine autant qu’elle ne tiraille. C’est d’ailleurs là l’un des talents d’Anne Simon : celui de mettre à nu les défauts de l’humanité avec philosophie et candeur.

Une interview de l’autrice par Misma est disponible ici !

Misma
280 pages
Caroline

À propos Caroline

Chroniqueuse

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