Derek Munn ne se définit pas comme poète. Né en Angleterre en 1956, il a effectué des emplois divers et à toujours trouvé du temps pour écrire. Il s’installe en France en 1998 et publie sa première nouvelle en 2005 dans le n°15 de la revue Rue Saint Ambroise. Dorénavant, il publie régulièrement aux Éditions L’ire des marges. Ce recueil de poésie vient comme une surprise dans l’œuvre de celui qui tire son élégance de sa discrétion. Et c’est la quintessence de ces qualités que l’on retrouve dans Please, mot qui désigne cette « politesse étrange étrangère effrontée ». Derek Munn « cesse de chercher le mot » et écrit sur ce qu’est sa vie, comme elle va et sans trop en dire, avec une sobriété terriblement touchante.
Please s’écrit devant nous, au fil de la lecture, et jusqu’au bout Derek Munn cherchera la justesse, dans un équilibre fragile entre aboutissement et travail en cours. La jeune maison d’édition Aux cailloux des chemins semble avoir attrapé ces mots à la dérobée pour en faire un livre sobre où brille les mots et ce qui s’y raconte. Il ne faudrait pas trop en dire pour garder cette poésie venue d’un non-poète pour nous seuls, comme un secret que l’on garde. Mais ce serait un délit d’initié, et promouvoir cette poésie-là semble tellement plus sain que d’apporter du grain aux haines courantes.
Please possède une mélancolie, raconte la vie telle qu’elle apparaît, avec ses deuils, ses épiphanies ou encore les odeurs et les bruits. Derek Munn transmet cela avec une infinie délicatesse, ne se vautrant ni dans la facilité, ni dans l’excès stylistique. Pour autant, rien n’est simple, les mots ne sont pas des créatures idéales, que ce soit en français comme en anglais. Nous pourrions imaginer qu’il est plus facile d’admettre cela quand on habite la vie avec deux langues comme bagages. Chercher un mot que l’on ne connaît pas depuis son enfance pourrait permettre un léger avantage pour être dans la justesse. Mais peut-être qu’il en est autrement, et que chaque expérience compte.
C’est bien de cela dont il est question dans Please. Derek Munn dit à travers ses mots que l’expérience est unique, qu’il n’y a aucune évidence et surtout pas d’idées toutes faites pour décrire une vie. Le titre Please que l’on voit en tenant le livre dans la main peut se comprendre comme une invitation, comme un mot susurré par celui qui nous ouvre la porte et nous invite ainsi à rentrer dans son territoire, là où les mots se cherchent des couleurs, où la vie se raconte sans embarras. Quand nous refermons le livre, nous avons l’impression d’avoir été invité chez une personne, que son âtre a été chaleureux. Et nous serons heureux de le retrouver avec sa délicatesse lumineuse et réconfortante.
74p
Adrien
Image de couverture : photographie prise par Derek Munn