Haruki Murakami est un auteur contemporain que l’on ne présente plus: on lui doit Kakfa sur le rivage, la trilogie 1Q84 ou bien les nombreux recueils d’histoires courtes tel que L’éléphant s’évapore ou encore Chroniques de l’oiseau à ressort pour ne citer que ces quelques titres. Autant de textes qui ont fait de l’écrivain japonais une figure immanquable de la littérature moderne.
Son talent a par ailleurs été maintes fois récompensé, par pas moins d’une douzaine de prix prestigieux à travers le monde.
Les éditions 10/18 proposent un nouvel écrin à certaines des nouvelles d’Haruki Muraki sous la forme d’un ouvrage par récit, chacun richement illustré par l’artiste berlinoise Kate Menschik. A ce jour, quatre livres sont sorti; Sommeil, Les attaques de la boulangerie, Birthday Girl et L’étrange bibliothèque, chacun d’eux étant un excellent moyen aussi bien de découvrir l’univers si particulier et envoutant de l’écrivain que de le redécouvrir à travers le regard de l’illustratrice allemande.
Dans Sommeil, une jeune femme mariée et mère voit son quotidien chamboulé par une soudaine insomnie qui l’empêche de dormir pendant plusieurs semaines. Ses nuits prennent alors une nouvelle dimension où elle plonge dans une lecture répétitive et spasmodique d’Anna Karénine de Tolstoï, alors que ses journées se passent comme dans un rêve mécanique. Sommeil est un récit entêtant et hypnotisant, une plongée en eau profonde dans un monde nocturne qui se déroule à notre insu dans nos moment de plus grande vulnérabilité.
Les attaques de la boulangerie est composé de deux textes où une fringale sans borne prend d’assaut deux amis puis ensuite un couple en plein milieu de la nuit, les poussant à braquer dans un premier temps une boulangerie de quartier et dans un second un Mc Donald. Cette faim inassouvissable prend une telle ampleur qu’elle les plonge dans un état second, presque animal. Leurs esprits et leurs corps semblent tendre vers un besoin de se rassasier hypnotisant et hors de contrôle, comme envahit par la pulsion moderne de l’appétit sans fin du toujours plus.
Birthday Girl raconte le vingtième anniversaire d’une serveuse, passé au restaurant qui l’embauche. Suite à un coup du sort, elle se voit confiée l’importante mission d’apporter le repas habituel au patron de l’hôtel, un homme mystérieux que personne n’a jamais croisé. Tous les jours, à exactement la même heure, il se fait livrer un diner immanquablement composé des mêmes plats, comme insensible à la redondance ennuyeuse des saveurs. Cette rencontre va engendrer un échange étrange entre la jeune fille et son énigmatique employeur. Ce dernier semble posséder un fort pouvoir d’acuité, voir même des facultés presque magiques qui vont changer le destin de la protagoniste.
L’étrange bibliothèque est la nouvelle la plus sombre de cette collaboration entre Haruki Murakami et Kat Menschik. Un tout jeune garçon se rend à sa bibliothèque habituelle et se voit séquestré dans les dédales sombres et souterrains du bâtiment. A la merci d’un vieillard effrayant, surveillé par un homme-mouton timide soumis et lié avec une fillette muette d’une beauté à couper le souffle, il doit lire sans relâche sous peine de sanction. La raison de ce gavage de l’esprit cache un appétit aussi écoeurant que sombre, auquel le jeune homme tentera d’échapper.
L’écriture d’Haruki Murakami est surréaliste, nourrie d’éléments tels que la musique classique, l’étourdissement de la routine, la solitude, la sexualité… Il mélange avec subtilité le réel et le fantastique qui se fondent l’un dans l’autre jusqu’à ne faire qu’un; il y toujours un imperceptible glissement faisant basculer le ou les personnages dans un rêve éveillé et halluciné. Beaucoup de niveaux de lecture s’imbriquent dans ses récits teintés de mélancolie et de fragilité, où le lecteur est plongé dans un univers aux innombrables symboliques.
Le travail de Kat Menschick apporte une réelle plus value à ces livres: elle joue avec des palettes de couleurs trichromiques et de pantones en adéquations aux tendances des nouvelles. Ses illustrations numériques délicates fortes en références végétales, organiques et aquatiques mettent en valeur la fragilité à la fois solaire et trouble de l’univers de l’auteur. Superpositions, jeux d’opacité et de vernis sélectif forment une ambiance particulière à chaque livre qui se révèlent être de véritables plaisirs de lecture.
Editions 10/18
Caroline
Bonjour Caroline,
Merci pour cette présentation et analyse du corpus Murakami/Menschik très intéressante et pertinente !
J’en fait actuellement mon sujet de mémoire de Master et j’aimerais pouvoir vous citer dans ma bibliographie et également à l’intérieur de mon travail , pourriez-vous me transmettre votre nom de famille ? (normalement mon mail vous sera transmis par ce commentaire), merci d’avance ! Par ailleurs si vous souhaitez échanger quelques informations autour de cette collaboration littérature/illustration, j’en serais ravie.
Bien à vous, NIO Salomé.
J’adore l’univers de Murakami ! Et ces petits livres sont de vrais bijoux : Textes et illustrations se font écho, c’est du très beau travail !
En effet, et le détail des correspondances de couleurs entre le texte et les dessins est aussi très bien pensé!
Ce sont de très beaux objets j’espère qu’ils en sortiront d’autres!
Caroline