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Jeff Vandermeer – Astronautes Morts

Dans l’univers de la vague « New weird », Jeff Vandermeer s’impose, titre après titre comme un inlassable explorateur. Un auteur, qui livre après livre dresse une cartographie inquiétante et étrange qui ne dit jamais réellement son nom, mais impose un imaginaire qui s’affranchit des frontières, pour proposer, in fine, des moments forts dans un style d’écriture soigné.

Alors que nous avions découvert l’inquiétante « Compagnie » et ses créatures dans BORNE, nous voici de retour dans cet univers afin de tenter d’en comprendre un peu mieux les contours et son fonctionnement. Pardon, comprendre serait vain, explorer serait plus adéquat.

Ainsi, avec « Astronautes morts » nous suivons un trio tentant vague après vague de mettre fin aux agissements de la compagnie. Des assauts ici et là, dans le passé ou le présent, dans ce monde ou un autre. Les trois astronautes évoluant dans des sortes de boucles temporelles, inscrivant dans toutes les dimensions cette lutte contre un futur désastre qu’engendrera La Compagnie.

Grayson, Mousse et Chen, car il faut bien les nommer, voyagent, explorent, se dilatent, se contractent, vivent et meurent à la fois.

Mais nous ne faisons pas que suivre ces trois-là, nous découvrons aussi l’homme derrière La Compagnie, inquiétant personnage au passé trouble, ainsi que certaines de ses créatures, telles qu’un renard bleu, semblant être à l’aise dans les couloirs du temps, un poisson mutant ou un inquiétant canard.

Il faut tout d’abord souligner que lire « Borne » ne parait pas indispensable, mais vous aiderait à plus rapidement trouver vos repères de la narration d’Astronautes Morts. À la différence de celui-ci, Borne de par sa narration plus linéaire et ne jouant que sur une temporalité continue, permet de dresser une cartographie plus précise du monde et de son fonctionnement.

Car « Astronautes morts » joue sur l’éclatement, que ce soit dans les temporalités, les points de vue, les dimensions, et même dans la narration. Il inscrit ainsi dans sa chaire, la figure du labyrinthe si cher à Borges et emprunté par des auteurs et autrices kamikazes comme Danielewski, Moore, Gaddis ou Gass…

Ce qui a pour résultat de transposer son œuvre science-fictionnelle dans un registre métafictionnel voir philosophique. Au-delà de l’idée d’étiquette que l’on pourrait mettre, il est intéressant de constater l’ambition de l’auteur derrière ce récit. De par sa construction et sa narration, cet assemblage qui fonctionne en impliquant le lecteur dans sa réflexion, signe une œuvre totale, qui porte en son sein bien plus que ce que le texte nous présente au premier abord.

Qu’il s’agisse d’écologie, de dérive technologique, de questionnement sur le sens de la vie ou même soyons fou, le rôle du narrateur dans le récit, tout s’impose par petite touche sans jamais se dire frontalement.

Jeff Vandermeer continue, texte après texte, à développer un univers étrange et fascinant, jouant autant sur le fond que sur la forme, et l’air de rien, s’affranchissant de plus en plus des codes d’un genre littéraire, pour finalement offrir quelque chose de plus personnel et prenant. « Astronautes morts » peut paraître moins abordable que ses précédents textes, il demande un certain investissement du lecteur, mais la récompense est grande du moment où vous acceptez d’être baladé par l’auteur et vous laisser perdre. Tout comme « Omega Mineur » de Paul Verhaeghen, vous pouvez avoir l’impression d’être totalement perdu, mais l’auteur lui sait très exactement où il vous mène. Un grand texte, ambitieux et réussi.

Au Diable Vauvert,
Trad. Gilles Goullet,
400 pages,
Ted.

À propos Ted

Fondateur, Chroniqueur

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