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John Hawkes – Innocence in extremis

Au cours de l’été 1892, et à cette époque l’oncle Jake avait tout juste atteint l’âge de douze ans, son père décida que le moment était venu de retourner en France avec son orgueilleuse famille. Sa maisonnée reflétait alors parfaitement l’esprit des Deauville, composée comme elle l’était de ses trois jeunes fils et de leur petit frère, encore un bébé, d’une secrétaire, de cinq bonnes, de sa jolie et indomptable femme qui dans sa fierté d’irlandaise admettait sans un mot de reproche les relations charnelles qu’il entretenait avec les bonnes et la secrétaire. Ses fils, sauf le bébé, étaient déjà plus grands que leur mère et appartenaient sans aucun doute possible à la lignée des Deauville, encore que l’aîné n’eût que quatorze ans et le plus jeune dix. Ils étaient forts, ses fils, virils, avec une puissante charpente, mais ils n’étaient encore que des enfants. Le bébé, dont le père se souciait assez peu, montrait déjà dans les traits de son minuscule visage qu’il était bien lui aussi un Deauville.

Peut-on prolonger le plaisir de lecture d’un roman que nous considérons comme « Culte » à nos yeux, à travers un texte court qui se veut une sorte d’extension à ce dernier ?

Écrit en 1987 et Faisant suite à l’immense « Aventures dans le commerce des peaux en Alaska », John Hawkes s’attarde sur le génial Oncle Jake. Ce romancier hors pair n’hésite pas à casser le rythme de son précédent roman et à tomber dans le récit contemplatif. Ici peu de dialogue, énormément de descriptions, de successions de scènes. Une finesse dans le choix des mots. Comme si sa narration s’adaptait au regard du tout jeune et rêveur Oncle Jake.

Retour sur le père de Sunny. Sur un évènement de son enfance en particulier. L’oncle Jake et un émoi pré pubertaire. Lors de ses douze ans, le père d’oncle Jake décide d’emmener sa famille, sa secrétaire et ses domestiques rendre visite au patriarche français sur le vieux continent. La rencontre entre la famille américaine et l’ascendant français. Une rencontre marquée par le prestige et le panache du patriarche, son domaine, ses femmes, ses chevaux, son univers aux allures de grand spectacle. Mais c’est aussi cette jeune amazone, clou d’un spectacle équestre qui va profondément titiller l’Oncle Jake.

À la succession de scène se confronte les saisons, le récit linéaire dans son déroulé achemine une progression tout en douceur. De la vague curiosité au désir, du désir à l’obsession.

Jake en resta abasourdi. Il enviait cette jeune fille, il l’assimilait à la plus jeune des petites bonnes, il était amoureux d’elle, il avait envie d’être elle pour chevaucher superbement le petit cheval gris, encore qu’il ne s’intéressât pas particulièrement aux chevaux. Cette jeune fille, qui aurait pu être sa sœur, ne pouvait certainement pas, contrairement à ce que prétendait sa mère, présenter quoi que ce soit de dangereux. Il était bien sûr qu’il n’y avait rien d’inquiétant à son sujet.

Ce texte offre un contenu tout de même bien plus maigre que son précédent roman. Il manque la saveur et la démesure du héros que nous avions tant aimé lors du précédent roman. Une jeunesse marquée par un personnage plutôt en retrait, plus effacé. Une mère de famille « l’irlandaise » confronté à un désir inavouable, un père plutôt absent et dans l’ombre du patriarche.

Un roman court qui a, finalement, pour seul but de donner un peu plus de corps à son héros. Mais un roman qui n’aura d’intérêt que pour les amoureux des « Aventures dans le commerce de peaux en Alaska ». Le plaisir reste mitigé, le livre se lit avec plaisir malgré quelques longueurs, mais pas sûr qu’il reste bien longtemps en tête une fois ce dernier refermé.

Editions Seuil
Fiction & Cie
Trad. Michel Doury
120 pages

Ted.

À propos Ted

Fondateur, Chroniqueur

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