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L’accumulation primitive de la noirceur – Bruce Bégout

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Flottements
Deux fans qui rencontrent l’auteur qu’ils admirent depuis leur adolescence, un collectionneur de Tangerine Dream qui entraîne avec lui un nouvel ami, un dédoubleur, un suiveur, un graphiste et son mystérieux mentor, un causeur public, un vendeur de roses, Kate Moss… Voilà quelques-uns des personnages que l’on croise dans le dernier recueil de Bruce Bégout. Des marginaux, des laissés-pour-compte, quelques fous, des témoins. Certains se retrouvent embarqués dans des histoires absurdes dont ils ne maîtrisent rien, d’autres partagent ce qui ressemble à une anecdote.
« Ils sentaient son souffle tiède et métallique qu’exhalaient les conduits de chauffage. Ils discernaient sans nulle médiation, dans une sorte de fusion sujet/objet typique des moments extatiques, ou des abrutissements, sa masse impressionnante qui, par rapport à leur corps relativement chétif, provoquait en eux une forme de démesure sublime que, seule, l’extrême solitude de leur situation nocturne canalisait. »

Glissements
Mais rien n’est anecdotique quand c’est Bruce Bégout qui le raconte. La moindre histoire d’apparence banale prend des proportions incontrôlables, et laisse ressortir ce qui se cachait sous le macadam. Qu’en est-il de cette cage qui apparaît de manière régulière sur la voie du tram, de plus en plus grande, sans que personne ne puisse voir qui l’installe? Et qui est le Spectre, ce révolté qui profite des émeutes londoniennes pour tenter de mettre à bas le Dispositif? Quelle est l’origine de ces crises de rire qui s’emparent des adolescents du Tanganyika aussi soudainement?
Dès le premier texte nous sommes saisis. Le second nous accroche, le troisième nous possède, et les autres nous entraînent de l’autre côté du miroir. Le monde des affaires est une jungle et les parkings des endroits dangereux. Le consumérisme transforme la société. Les gens sont bizarres.
Avec un trait parfois acéré, il nous emmène dans les recoins sombres et inquiétants d’un monde connu, dans ces endroits dont on connaît plus ou moins consciemment l’existence, mais dont on préfèrerait continuer à ignorer la présence.
Mais est-ce seulement des recoins?

Basculements

« Je ne poursuis pas le bizarre, le tordu, le malsain, je poursuis ce qui, au cœur du bizarre, du tordu, du malsain, demeure ordinaire. »

Combattre le Dispositif. Combattre l’abattement et le pessimisme facile qui devient un agenouillement devant la déliquescence du monde. Ouvrir les yeux sur ces recoins qui ne sont que le reflet véritable de la société, la regarder en face. La reconnaître.
Rien n’est ordinaire ni normal. Il n’y a que ce que l’on veut bien considérer. Et Bégout sait que l’on considère bien peu de choses, et que, si l’on s’y penchait un peu plus, on trouverait dans notre ordinaire beaucoup plus de malsain, de tordu et de terrifiant.
Dans ce recueil en trois parties, avec un ton qualifié de « post-gothique », il met en exergue les nouveaux monstres: non plus les vampires, les goules et autres zombies, mais la force de nuisance du monde qui nous entoure. Enfermés dans des personnages sociaux, prisonniers d’une société normée qui ne supporte pas les débordements, les personnages de Bégout ont, comme tout un chacun, une emprise sur le monde. La grande question reste, comme pour chacun d’entre nous: que vont-ils en faire?

éditions Allia
256 pages
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Marcelline

À propos Marcelline

Chroniqueuse/Co-Fondatrice

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