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Léo Henry – Héctor

Un portrait d’une nation pour dessiner celui d’un auteur disparu. De courtes fictions pour faire parler les imaginaires évaporés, et en toile de fond une violence qui s’est incarnée dans le silence et dans les ombres. Le nouveau livre de Léo Henry, sobrement intitulé « Héctor », propose une lecture d’une Argentine et de sa capitale au travers de son histoire et de l’imaginaire qu’elle a pu susciter chez ses auteurices.

À la lecture de ce « Héctor », une premier constat s’impose, celle de tenir entre ses mains un texte qui impressionne par la quantité d’information qu’il nous dévoile au fur et à mesure. Se construisant sous des atours protéiformes, pour autant le nouveau livre de Léo Henry, dans son dédale, ne nous perds jamais vraiment, même mieux, tel Virgile chez Dante, se fait guide afin de constamment mettre la lumière sur l’essence même qui fait de ce livre un texte fort.

« Héctor » de Léo Henry, c’est l’histoire d’ Héctor German Oesterheld, son histoire supposée, que nous découvrons au travers du texte de l’auteur. Il était scénariste de Bande dessiné, ainsi que militant de la gauche péroniste. Nous découvrons le scénariste d’Hugo Pratt, mais surtout, le scénariste de SA bande dessinée la plus emblématique, celle qui symbolise à elle seule tout l’univers de l’auteur : L’éternaute. Ainsi, nous plongeons dans son Argentine, dans cette période trouble où l’auteur « disparu », pour ne plus jamais réapparaître.

 En jouant la multiplicité, entre carnet de voyage, développement historique et contextuel, fiction, et hommage, Léo Henry propose au travers de ce « Héctor », une œuvre hybride s’affranchissant des frontières des styles et des temporalités, pour déployer devant nous une toile géante, rempli de recoins, de chausse-trappes et de cul de sac, pour mieux nous faire ressentir, au-delà de toute géographie et période, l’idée qu’a été Bueno Aires, et comment cette dernière s’est construite à l’époque contemporaine, aussi bien géographiquement que mentalement ou artistiquement.

En s’intéressant à Héctor German Oesterheld, ses œuvres, sa famille, mais aussi en faisant intervenir d’autres auteurices dans son récit, Léo Henry, dresse un portrait tout en perspective d’un auteur indubitablement enchâssé dans sa ville et son époque. Tout en revenant sur son parcours, et sa « disparition » orchestrée par la police politique des 70’s, nous plongeons dans la tentaculaire Bueno Aires, et ses multiples visages, nourrissant une fantasmagorie passionnante et enivrante, ou l’admiration côtoie l’inquiétude et la peur.

Léo Henry, nous confronte, de par sa construction labyrinthique, si cher aux auteurs et autrices d’Argentine, ( mais plus largement dans la littérature sud américaine) au constat du contexte (social, géographique, politique) comme influence dans la créativité. Ainsi, en multipliant les formes, les styles, Léo Henry nous plonge dans le labyrinthe «  Héctor », pour nous faire ressentir et comprendre ce qu’est ce pays et cette époque au travers de sa culture littéraire, tout comme par le biais des faits historiques et des vestiges d’un passé, que le pays à eu très rapidement tendance à effacer de toutes les traces qui auraient pu attester d’une méprise envers son peuple, en particulier de ses prolétaires.

Ce qui donne, en creux, cette sensation d’absence, de disparition, permanente, comme une chasse aux ombres, qui nous le savons d’avance, ne s’inscrira que dans des suppositions ne rencontrant jamais l’écho du passé. Une enquête qui ne peut se dérouler que dans l’imaginaire, et qui, in fine devient prétexte à un vertige littéraire.

Léo Henry, avec « Héctor », sous ses atours multiples, nous propose un grand texte, un roman essentiel et qui nous plonge dans une culture politique, sociale et littéraire passionnante. Un livre riche et profond et une expérience littéraire audacieuse qui vient questionner les absents pour mieux comprendre un monde qui n’a de cesse de nous échapper, celui des disparus.

Éditions Rivages,
205 pages,
Ted.

À propos Ted

Fondateur, Chroniqueur

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