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Lumière sur … #2 : Les étagères poussiéreuses

L’Histoire, assez ironiquement, n’est pas gravée dans le marbre. Certainement pas l’Histoire de la littérature. On connait tous ces histoires de tel ou tel auteur qui a du proposer un manuscrit à trente-six maisons d’éditions avant de pouvoir publier un chef d’oeuvre qui a traversé les siècles. L’idée même d’une oeuvre ou d’un auteur qui « traverse les siècles » est à prendre avec des baguettes. Beaucoup d’auteurs qui ont été un succès à leur époque et sont aujourd’hui très lus et discutés, ont probablement été oubliés pendant des années et des années avant de resurgir à notre époque.

Pour toutes ces raisons, l’étiquette d’oeuvre « classique », quand elle n’est pas appliquée à une oeuvre française du mouvement du XVIIième siècle, n’est que ça : une étiquette. Dans le meilleur des cas, elle s’enlèvera sans se déchirer et sans laisser ces petites traces de colle et de papier sur la quatrième de couverture.

Lorsque les « oeuvres classiques » sont évoquées, sachez que ce terme est soumis à l’Histoire. Le terme « oeuvres anciennes » semble plus propice au but que s’est proposé votre humble narratrice, mais encore une fois, « les classiques » a le mérite de renvoyer à la même référence pour tous les lecteurs.

Votre humble narratrice, étudiante en littérature, s’est souvent retrouvée face aux sourires moqueurs de personnes comparant la lecture à un loisir auquel on aurait accordé trop d’importance, ou juste au sourire plein d’incompréhension d’amis qui ne comprennent juste pas à quel point la « simple » action de lire peut changer votre vie.

Si vous êtes en train de lire ceci, votre humble narratrice n’a probablement pas à vous convaincre de l’importance et du plaisir que la lecture peut apporter. En revanche, elle pourrait avoir à vous convaincre de l’importance de lire des oeuvres que vous ne considériez peut-être pas lire. Je croise de plus en plus de jeunes étudiants en littérature, et même de personnes en général, qui ne considèrent plus utile de lire des oeuvres considérées comme classiques. Parmi leurs arguments, le fait qu’elles soient classiques, justement. ”Tout le monde a lu ce roman, pourquoi le lirai-je également ?”, ”Je préfère découvrir des auteurs méconnus” etc. Beaucoup de personnes voient un acte de résistance dans le fait de refuser de lire des oeuvres classiques. Votre humble narratrice n’a strictement aucune volonté de juger vos lectures et pourquoi vous les faîtes. Elle essaye juste de vous montrer que lire des oeuvres classiques apporte un plaisir dont beaucoup de gens ne se rendent pas compte. Son professeur de latin lui a un jour dit : ”Rien n’est moins connu que les classiques.”

Vous avez tous, un jour, regardé une copie de Moby-Dick et attrapé peur face à la taille du roman, à sa réputation de pavé ennuyeux, aux centaines d’études écrites dessus. Vous vous êtes dit : maintenant, si je veux lire ce roman, je vais devoir lire absolument toutes les critiques sinon je vais passer à côté complètement.

Vous avez exagéré.

Votre humble narratrice ne va pas aller jusqu’à vous dire que vous pouvez absolument vous lancer dans Moby-Dick sans avoir lu le moindre article dessus, ce serait absurde. Seulement, vous n’avez pas à lire vingt oeuvres critiques sur un roman avant de vous lancer dans sa lecture. Vous n’allez pas rien y comprendre et vous n’allez pas être perdus. Dans le cas où vous vous lanceriez dans des lectures critiques après avoir lu une oeuvre classique, celles-ci vous donneront des pistes de lectures, des interprétations, mais aucune oeuvre critique digne de ce nom ne vous dira : ”Voilà comment vous auriez du lire ce livre et si vous ne l’avez pas fait, vous n’avez rien compris.”

Vous n’avez pas a être un étudiant en littérature pour lire des oeuvres classiques. Lorsque la bande-annonce du film sur Macbeth par Justin Kurzel est sortie, la soeur de votre humble narratrice, étudiante en médecine, s’est lancée dans la lecture de la pièce de Shakespeare et a énormément apprécié sa lecture, même si elle n’a pas résolu le problème de la Destinée et de la Volonté dans la pièce (ce qu’absolument personne ne lui demandait). Au risque de se répéter, votre humble narratrice ne cherche pas à vous dire que tout le monde peut être étudiant en littérature en lisant une pièce de Shakespeare. Mais on peut lire une pièce de Shakespeare sans être étudiant en littérature.

Les classiques ne sont pas réservés à une élite d’êtres extra-terrestres capables de ne pas les trouver ennuyeux. Lisez cette phrase, gravez-la en or au-dessus de votre foyer (référence à L’Avare, qui d’ailleurs, n’était pas considéré classique à son époque) et répétez-la lorsque vous êtes dans une bibliothèque, mourant d’envie d’entamer La Princesse de Clèves mais que vous avez terriblement peur de sa réputation, ou bien regardant un recueil de poèmes par John Keats en pensant : ”mais plus personne ne lit de la poésie de nos jours.”

La plupart des classiques ne sont pas classiques et sont totalement faits pour être lus. Votre humble narratrice se fera un plaisir de vous le montrer dans ses prochaines chroniques.

À propos Anne-Victoire

Chroniqueuse

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2 Commentaires

  1. lu et approuvé…Lire Dickens, Cervantès, Montaigne et Zola…C’est le bonheur et c’est encore moderne; vraiment, joli article, joli plaidoyer pour tout bêtement la bonne littérature

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