Maya Mihindou est une auteure et illustratrice autodidacte développant un univers nourri de ses origines gabonaises et de ses nombreux voyages. Son coup de crayon, la diversité des supports et des médias qu’elle emploi ainsi que sa syntaxe enveloppante et ondoyante en font une artiste à part, dont le style ne ressemble à aucun autre.
Sabine est son tout premier roman illustré qu’elle publie en 2011 sous le label très sélectif Venusdea des éditions Soleil: on y découvre pour la première fois son chant pictural autour du voyage initiatique de trois enfants qui décident de retourner dans la ville natale de Grand-Mère l’Autre suite à son décès.
Grand-Mère l’Autre est la source de tous les habitants du minuscule village Moabi, caché par une épaisse forêt, loin du regard des autres civilisations. De son vivant, elle a été le repère, la mère et la sagesse de son peuple, le guidant de génération en génération. Mais voilà qu’elle est morte, que son corps n’est plus qu’une écorce vide, ce qui laisse son petit fils Anys-à-la-langue fatiguée bien septique. Ses meilleurs amis Blanca, jeune fille rêvant de devenir une sirène à tout prix et l’effronté Sacha se questionnent eux-aussi, sont piqués par une curiosité nouvelle qui jusqu’ici n’a jamais effleuré le moindre habitant de Moabi: qu’est-ce qu’il se passe à la lisière de la forêt? Comment se présente donc le monde extérieur? Et surtout, surtout… A quoi ressemble la ville natale de Grand-Mère-l’Autre?
De page en page, de dessin en phrase, Maya Mihindou nous livre une part intime d’elle-même; on sent l’écho de ses racines africaines, l’ombre des fétiches, la touffeur de la végétation et les couleurs profondes des chants des animaux qui l’habitent.
Sabine peut surprendre par sa lenteur, mais ce tempo contemplatif permet une immersion totale proche de la méditation. A travers l’histoire de trois enfants candides qui découvrent un monde marqué par la cruauté et la bêtise des hommes, on ressent la sagesse d’une culture proche de la nature, à l’écoute des autres. Qu’ils soient de chairs, de chants, de plumes ou d’eau.
Dans cette quête très poétique, l’auteure mélange la bande-dessinée au roman graphique, ponctue ses textes illustrés de citations, créant ainsi une mosaïque colorée, un parcours sensoriel où beaucoup de questions sont soulevées. Maya Mihindou mixe ces supports avec aisance et imagination, enroulant ses personnages et ses mots autour du rythme de son histoire. La lecture de Sabine est ondulante à la manière d’un serpent sur le sable, chaloupée comme la danse des vagues; elle a un goût d’ailleurs. Ses rêveries couchées sur le papier sont contagieuses, et on souhaite que cette aventure ne se termine jamais, on se surprend à espérer qu’un lieu comme Moabi existe et que l’on rencontre un jour son peuple pour en entendre les récits.
Editions Soleil
Collection Venusdea
160 pages
Caroline