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Michel Bernanos – La montagne morte de la vie

Michel Bernanos, voici un nom renvoyant à une sensation vertigineuse. Le fils de George Bernanos ( Sous le soleil de Satan, Journal d’un curé de campagne,..), écrivit une œuvre riche et profonde, avec notamment son cycle fantastique qui connut un succès posthume.

Une œuvre profonde marquée par son vécu, sa vision et ses sensibilités, offrant ainsi une des œuvres le plus fascinante de la littérature française du vingtième siècle, à savoir “La montagne morte de la vie”.

« Je venais tout juste d’atteindre mes dix-huit ans, lorsqu’un soir, après boire, la main d’un ami guida la mienne pour signer un engagement d’une année sur un galion. »

Ce qui aurait dû commencer comme une mauvaise blague et une expérience déplaisante pour notre protagoniste, devient un apprentissage de la vie dans ses conditions les plus extrêmes. Se retrouvant enrôlé sur ce galion, ce jeune mousse est mal vu et traité par l’équipage jusqu’à ce que Toine, le cuistot, le prenne sous son aile.

Mais, c’était sans compter sur la nature du monde, et son implacable cruauté qu’elle peut offrir aux hommes. D’un navire se retrouvant immobilisé au milieu de nulle part, par manque de vent, et sous un soleil de plomb, poussant l’équipage à des nécessités extrêmes pour survivre, avant de se jouer une nouvelle fois d’eux en leur donnant l’extrême inverse, pour finir par faire échouer notre protagoniste et le cuistot sur une terre mystérieuse où bien des surprises les attendent.

Puis nous découvrons dans le second texte du recueil, « Ils ont déchiré son image… », un étrange voyageur débarquant dans une ville où le marquis s’adonne à tous ses vices sur les habitants pour satisfaire ses caprices et désirs.

« Ils ont déchiré son image… » Étant le quatrième volet du cycle de la Montagne morte de la vie, venant compléter le texte ci-présent et « Le Murmure des Dieux » ainsi que « l’envers de l’éperon », également disponible chez L’Arbre Vengeur.

La montagne morte de la vie fonctionne en deux temps, comme deux récits enchâssés pour construire un drame en deux actes. La première partie s’apparentant presque à un récit de voyage, un roman maritime, où le fantastique est absent et où la nature humaine est décortiquée et poussée à son extrême, dévoilant ainsi sa nature profonde et opportuniste. Ce qui vient donner un contraste frappant avec la seconde partie se construisant comme un récit de survie où le fantastique devient le prédateur et les survivants des proies en quête d’un échappatoire sur cette terra incognita.

Le point commun entre les deux étant notre protagoniste, témoin des événements qui jusqu’à la toute fin transmet ce qu’il a vu, compris et entendu, nous plongeant ainsi avec lui dans ce monde de plus en plus étrange.

Michel Bernanos écrit ici un roman fantastique profondément viscéral, avec un rapport assez singulier au corps, à la chair. Tout le long, nous sentons ce que son corps peut subir et ressentir, nous comprenons le mal-être, l’angoisse, la fatigue, la faim, la transformation, et ses péripéties viennent s’inscrire en nous de manière insidieuse, nous frappant par cette angoisse latente qui parcourt tout le texte.

Nous pourrions aisément parler ici de « Weird fiction » tant les thématiques abordées peuvent faire écho avec les œuvres de Jeff VanderMeer, Michael Cisco, China Miéville ou encore Thomas Ligotti. Nous touchons une vérité profonde ici, une peur primale, quasiment indicible, mais que nous connaissons tous, assez intuitivement.

« La montagne morte de la vie » ainsi que «  Ils ont déchiré son image… » sont aussi un éloge à la nature, à sa puissance implacable et sa beauté quasiment hypnotique. Michel Bernanos l’enchante, la magnifie et la rend cruelle à la fois, lui donnant une sensation de puissance implacable, remettant ainsi l’Homme à sa place, comme un pion au mieux indésirable, dans ce gigantisme végétal qui parcours les deux textes.

C’est un texte fascinant, où il y a énormément de chose à dire, l’influence de son adolescence au Brésil, sur le texte par exemple, ou encore son écriture faussement simpliste, sans même parler de la puissance symbolique sur toute la dernière partie. Lire le texte de Michel Bernanos c’est plonger dans un univers grandiose, fantastique et cruel à la fois, qui vous prendra aux tripes et restera longtemps gravé dans votre mémoire.

Indéniablement un grand texte, dépassant le cadre du fantastique pour s’inscrire durablement parmi les grandes œuvres littéraires du vingtième siècle.

L’Arbre Vengeur,
Collection l’arbuste véhément,
250 pages,
Ted.

À propos Ted

Fondateur, Chroniqueur

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