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Nicolas Cartelet – Petit Blanc

Dernier roman de Nicolas Cartelet, Petit Blanc nous plonge à l’époque des colonies françaises, synonymes de gloire pour certain et d’utopies avortées pour d’autres. 

Albert Villeneuve a quitté la France avec sa petite famille, direction Sainte-Madeleine à bord d’un navire plein à craquer de gens en quête d’une vie meilleure. Mais c’est seul qu’il débarquera sur la terre promise, hanté par les fantômes de sa femme et sa fille. Très vite, la réalité le prend à la gorge : on avait promis à ces nouveaux colons des hectares de cultures de café, un salaire enfin décent et une existence paisible… C’est au contraire l’oubli et la mine qui attendent la plupart des survivants.
Ainsi commence une lente descente aux enfers pour Albert  : étant à présent veuf il se voit refusé toute éventuelle possibilité d’accéder ne serait-ce qu’à un minuscule lopin de terre cultivable. Sainte-Madeleine devient alors sa prison, où il va errer sans but et en proie à un chagrin dévorant.

« L’alcool en définitive n’avait anesthésié que les bien petites choses, le goût du travail, les angoisses de la maréchaussée, le souci de l’hygiène, il avait poli ma tristesse pour n’en conserver que le cœur, le pur de tout alliage, celui fait du deuil et des regrets éternels. »

Seul le whisky lui permet de soulager un peu ses peines, tout en lui déliant la langue et en le drapant de mensonges dans lesquels il est riche, heureux et où ses chères Louise et Marthe l’attendent, patientes et confiantes.
Très vite il ne va même plus travailler à la mine et passe son temps dans le troquet du port, berçant le tôlier de doux palabres pour boire à l’œil. Les jours deviennent des nuits et ses nuits liquides et distendues.
Sa malchance s’accroit lorsque le sergent Arpagon, un colosse tyrannique, le prend alors en chasse, décidé à lui faire la peau par tous les moyens. 

Villeneuve se lance alors dans une cavale à travers la brousse et la jungle. Dans sa course effrénée, il va croiser plusieurs personnes qui l’accueilleront à bras ouvert, avec bienveillance. Comme Arona le guérisseur et son ami Siwane, un magnifique perroquet qui parle pour deux et qui entreprend de soigner le Petit Blanc par la parole et le travail.
Il est également accueilli par une famille incapable de lui faire le moindre mal et le considérant comme l’un des leurs, comme un frère, un oncle. Puis vient Alcide, un sergent fidèle à la compagnie et à l’empire, servant défenseur d’une boutique perdue au milieu de la brousse, seul face à lui-même depuis une décennie et se raccrochant tant bien que mal à un passé inaccessible et à des promesses oubliées. Comme autant de miroir tendus face à Villeneuve, ces amis de passages tombent tour à tour avec lui.
Car Arpagon ne lâche pas, piste et renifle, prêt à tout réduire en cendre pour traquer et anéantir sa proie. 

« La nuit tombait à gros grains, déjà les abords de la forêt se perdaient dans l’ombre, la lune peinait à les atteindre. Des lianes et des feuilles pendues dans le vide dégringolait une noirceur inquiétante, qui contrastait d’autant avec la pâleur de l’herbe, nourrie aux étoiles tout autour de moi. »

Dans Petit Blanc, Nicolas Cartelet dresse le portrait désenchanté d’un homme aux rêves brisés, en proie au deuil et à la solitude, où Sainte-Madeleine devient le théâtre d’une fuite en avant effrénée et d’une errance hallucinée. Il y distille quelques touches de fantastique, brouillant ainsi nos repères en même temps que ceux d’Albert. La touffeur de l’île et son aspect paradisiaque sont en effet propices aux miracles, qu’ils soient réels ou délirants : regrets et fantômes s’y complaisent sans gène et le temps y devient élastique. 

Petit parmi les petits, le personnage de Villeneuve cristallise à lui seul la tristesse, l’angoisse, l’abjection de soi car il perd tout, jusqu’à son intégrité. Et à chaque fois que l’avenir semble meilleur, il est rattrapé par ses vieux démons, qu’ils aient les traits du Sergent Arpagon, de Marthe ou de Louise, comme autant de pénitences par paraboles.

Un conte amer et désenchanté où le sort semble s’acharner sur un seul homme, écrit avec un style magnétique qui laisse un fort sentiment une fois le livre refermé.

« Le temps passa, plusieurs fois. J’avançais toujours.»

Nicolas Cartelet Petit Blanc image

Éditions
176 pages
Caroline

À propos Caroline

Chroniqueuse

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