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Couverture de l'ouvrage "Pétouchnok(s)" de Riccardo Ciavolella

Pétaouchnok(s) _ Riccardo Ciavolella

Pétaouchnock(s), Du bout du monde au milieu de nulle part de Riccardo Ciavolella est un abécédaire ludique et le fruit d’un travail de recherche original. Un ouvrage pour les curieux, plus ou moins historiens, intéressés par l’étymologie, qui peut se lire par entrée et regorge d’informations, qui en tout cas pour nous, étaient inédites et déroutantes.

Le livre a de nombreux atouts qui en font un ouvrage qui devrait être sur toutes les bibliothèques des étudiants en sciences humaines.

En quelques mots, que voulait faire Riccardo Ciavolella, anthropologue, chercheur au CNRS et directeur du Laboratoire d’anthropologie politique de l’EHESS de Paris avec Pétaouchnock(s), Du bout du monde au milieu de nulle part ?

L’idée de l’auteur est de recenser les mots qui ont une signification de « bout du monde » pour les habitants d’une région, d’une ville ou d’un pays, de trouver le lieu désigné par ces mots dans le passé ou le monde actuel et de dénicher ce qui explique le sens de ces mots au regard de l’histoire, de l’étymologie et de l’anthropologie.

Il y a donc des entrées pour des mots connus du lecteur français et de nombreux autres qui lui sont inconnus notamment parce qu’utilisés et rattachés à une région lointaine.

Cette approche non-ethnocentrée est un premier atout, d’abord parce que l’ethnocentrisme est une erreur et un biais en sciences humaines et sociales, ensuite parce que dans ce cas particulièrement, cette approche donne une autre dimension à l’étude.

Une façon pour R. Ciavolella d’interroger le rapport des sociétés et groupes à l’ailleurs et donc à l’autre 

En effet, cette étude est une façon d’interroger le rapport à l’altérité. Quelle que soit l’origine du mot dont il est question à chaque fois et quelque soit le groupe qui l’utilisait ou l’utilise, il désigne l’autre et cet « autre » est relégué au « loin » que ce soit un « loin » psychologique (un autre demeuré ou resté bloqué à un stade d’avancement qui sera dépassé), politique ou culturel.

En France, “Bab-el-Oued” est un exemple :

L’histoire de la colonisation française, tout comme l’histoire migratoire qui en découle expliquent la présence, surtout dans l’argot, de termes dérivés d’une déformation des langues des populations colonisées, dont notamment l’arabe.

Parmi les expressions argotiques de ce type figure le terme bled, utilisé en français pour indiquer le village d’où on est originaire, un village ou une petite ville opposés à Paris ou à une très grande ville, une ville lointaine que l’on situe mal, toute agglomération provinciale ou tenue pour rurale, ou encore tout endroit éloigné ou isolé.

Notons qu’il est très intéressant et même amusant de découvrir ce que les mots recensés disent des mentalités et des imaginaires collectifs, mais aussi des lieux à proprement parlé, de leur géographie et de leur climat.

Une autre façon de lire l’histoire

Dès l’introduction, l’auteur souligne l’intérêt de comprendre ces mots et de les comparer pour ce qu’ils disent de l’histoire et des enjeux des interactions entre les peuples et entre les langues aussi. L’étymologie est toujours reprise dans le souci de désigner l’origine du mot et de considérer toutes les acceptions de ce dernier.

Le choix de l’interdisciplinarité est déterminant. L’auteur rassemble des éléments d’étude du point de vue de la sociologie, de la linguistique et de l’histoire.

Dès lors, il apparaît effectivement négligeable que tous les “pétaouchnocks” n’apparaissent pas dans l’ouvrage, car l’intérêt de la démarche réside dans cette imbrication d’éléments car elle permet de montrer au lecteur comment ils s’éclairent les uns les autres.

Riccardo Ciavolella entend davantage donner une vision complexe des “pétaouchnoks” que complète.

Conclusion

Pétaouchnock(s) est un ouvrage très riche, dont on sent tout de suite _ bien qu’il soit évidemment très sérieux_ qu’il est autant le résultat d’un travail académique que celui d’une quête personnelle. C’est en tant que chercheur mais pas seulement, que Riccardo Ciavolella veut nous rappeler que l’ailleurs et l’autre sont sur Terre et qu’ils sont une véritable richesse.

Dans une époque où la planète et l’imaginaire semblent verrouillés et exploités jusqu’à leurs frontières ultimes, ces Pétaouchnok(s) sont ce qu’il nous reste. Non pas pour partir sur Mars, mais pour revenir sur Terre.

Couverture de l'ouvrage "Pétaouchnok(s)" de Riccardo CiavolellaPétaouchnock(s), Du bout du monde au milieu de nulle part

Riccardo Ciavolella

La Découverte / 416 pages

Marisol

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