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Peter Watts – Eriophora

Avec la retour fracassant de Peter Watts, et la réédition de son chef d’œuvre « Vision Aveugle » par l’excellente maison d’édition Le Bélial’, il paraissait intéressant de remettre un coup de projecteur sur un court récit paru un an avant et qui mérite une attention toute particulière pour la démesure qu’offre son texte.

Imaginez un vaisseau spatial, pas comme les autres, lancé dans une mission interstellaire au XXIIe siècle. Imaginez un vaisseau qui est en fait une énorme astéroïde, très gros, possédant une singularité en son cœur ( trou noir) en guise de propulsion, permettant ainsi de monter à presque vingt-cinq pour cent de la vitesse de la lumière ( c’est énorme), et maintenant imaginez que ce vaisseau, habité par trente milles humains, ai pour mission d’installer un réseau de portails afin de générer des trou de ver et permettre de bons dans l’espace sans subir les contraintes physiques du déplacement, notamment celle qui dit que l’on ne peut pas aller plus vite que la lumière. Imaginez que cette mission soit lancée depuis des millions d’années, et que le vaisseau par conséquent est loin dans l’espace. Imaginez que dans ce vaisseau ces trente mille humains sont pour la plupart en hibernation depuis des millions d’années, qu’ils sont réveillés par petit groupe de temps en temps pour les travaux de maintenance et de conception de portails. Imaginez enfin, que ce vaisseau soit contrôlé en permanence par une intelligence artificielle qui est juste un peu moins intelligente que les humains afin de la rendre plus docile. Bienvenue dans Eriophora et bon voyage.

Ce récit est fascinant, ici nous ne suivons que quelques groupes se réveillant au gré des missions de construction et d’entretien. Mais après soixante-cinq millions d’années, et sans plus aucune nouvelle de la Terre, et sans aucun message de fin de mission et d’ordre de retour, comment trouver encore du sens dans ce que l’on bâtit. Mise à part l’intelligence artificielle « Chimp », programmé pour mener à bien la mission, la déroute se veut avant tout symbolique et questionne sur l’obstination et la vanité de construire une issue pour l’humanité qui n’est probablement plus ou qui dans tous les cas se propulse invariablement vers la fin de tout.

Par ailleurs, sans jamais le dire clairement, la mission questionne sur un autre point, à chaque ouverture de portail, une appréhension se produit, depuis que sur certains trous de ver ils aient subit l’attaque d’entités, présentent dans d’autres dimensions, mais jamais clairement défini, cet arc bien que secondaire, renforce un certains nombres de points dans le récit. Le mystère faisant écho à la solitude, dès lors, quel rôle pour une mission de cette envergure ? Et pourquoi suivre à tout prix la volonté d’une IA plus bête que nous ?

Au-delà du conteur pointu, Peter Watts est avant tout un écrivain exigeant sur son écriture. Ainsi, Eriophora propose un travail stylistique impressionnant. Nous pourrions rapprocher l’auteur d’un William vollmann pour la démesure des digressions, ou d’un Scott McClanahan pour l’urgence de l’écriture. Peter Watts aime la littérature, en connaît les codes et le montre à chaque passage. Mais ce qui est d’autant plus génial chez lui, c’est cette assimilation assumée et maîtrisée qui vient se mettre au service de l’histoire sans jamais tomber dans le récit trop référencé ou démonstratif d’une maîtrise prétentieuse. Un conteur pointu comme je disais, qui aime le style, et qui en joue tout en proposant une histoire de science-fiction brillante.

Pour finir sur le style, il est admirable de constater l’incursion meta-fictionnel du récit, d’une manière totalement originale, qui n’est pas sans rappeler « L’épée des cinquante ans » de Mark Z. Danielewski. L’auteur veut nous pousser dans une immersion complète, c’est voulu et assumé, c’est maîtrisé et brillant.

Dès lors, comment conclure sur ce texte traduit à la perfection par le kamikaze de la traduction de genres, à savoir Gilles Goullet ? Peter Watts est un des plus grands auteurs de science-fiction actuelle, et Eriophora démontre, peut-être même plus que Vision Aveugle, un talent incroyable et une intelligence narrative rare. Ici, nous avons à faire à un auteur exigeant, que ce soit sur son travail, tout comme envers ses lecteurs, qui a conscience de cette exigence et sait faire en sorte que le lecteur ne s’égare jamais. Souvent ludique et espiègle, Peter Watts nous fait grandir à travers ses lectures et permet de s’ouvrir aux possibilités du récit pour atteindre cette zone d’ombre au fond de notre tête, vous savez ce petit recoin où loge nos fantasmes, nos obsessions et nos cauchemars…

Un court roman incontournable et incroyable, une pépite audacieuse qui serait fort dommage de ne pas lire, que vous soyez lecteur ou non de science-fiction.

Le Bélial’
Trad. Gilles Goulet,
221 pages,
Ted.

À propos Ted

Fondateur, Chroniqueur

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