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Pierre Cendors L'énigmaire couverture

Pierre Cendors – L’Énigmaire

Aux alentours du village d’Orze situé dans les pays du Nord, se trouve un bois étrange. Son atmosphère imprègne ses visiteurs au plus profond d’eux même, jusqu’aux fonds de leurs corps et de leurs esprits. Surnommé Boizéro, ce lieu a été tour à tour l’abri d’un culte chthonien, bombardé pendant la Grande Guerre, pour finalement être transformé en zone rouge par l’armée.
À la fois sombre et lumineux, il est nimbé de secrets : ceux que l’on souhaite cacher, d’autres que l’on veut découvrir sans même le savoir. Il est à l’image même de ce roman de Pierre Cendors, L’énigmaire, dont il est la scène.

C’est là-bas que ses protagonistes se rendent en pèlerinage à différentes époques, et même à des siècles d’écarts. Malgré ces distances temporelles, ils semblent liés les uns aux autres, de manière inextricable.
En effet, entre Severnus (bibliothécaire du secret qui a transporté les stèles portant le texte de l’Énigmaire, inscrites dans une langue à présent oubliée) et Laszlo Ascencio, premier enfant des étoiles, ce sont plusieurs vies qui s’écoulent.
Il y a aussi Adna Szor, musicienne de renom en quête de quiétude suite à la brutalité d’un deuil, et Sylvia Pan, une jeune femme sortant de sous la terre pour trouver réponse à ses questions. Ils ne se connaissent pas, pourtant ils se rendent tous sur les vestiges du village d’Orze, et errent sous les branches rachitiques du Boizéro.

« Je ne préviens personne de mon départ.
J’avais envie de ça.
De partir sans rien dire.
De laisser, à chaque pas, grandir le silence.
De ne pas ternir l’énigme de ce que l’on ne comprend pas, et qui nous attire, nous exhorte, nous presse, un jour, à dépasser notre compréhension, platement mondaine, étroitement humaine, de nous-mêmes, des autres, du monde. »

Leurs récits s’entrecoupent, mais surtout dialoguent en brossant un futur marqué par un écocide. L’humanité à  du choisir entre s’enfouir sous terre pour survivre, ou bien prendre le chemin de l’espace pour sa sérénité (utopique ou réelle). Passant ainsi de terriens à spaciens pour la plupart, les hommes et femmes du futur oublient encore un peu plus leurs racines et leur rapport au passé, allant jusqu’à renier la nature même.
En effet, un mouvement politico-religieux semble avoir eu l’ascendant sur tout et sur tous. Nommé la Divna, créateur de produits de pointes et encourageant l’exode spatial, leur discours incrimine la nature d’avoir fait l’humanité a son image : destructrice et imprévisible.

« Ce n’était ni la séduction sombre qu’offrait une sépulture passagère, ni le sortilège du rien- cette ultième illusion du désillusionné– pas plus que la fascination initiale que L’Énigmaire continuait d’exercer sur moi. C’était autre chose, de plus obscure, une notule en bas de page, quelques mots dans un journal, qu’il m’avait fallu relire à plusieurs reprises avant de comprendre que je n’y parvenais pas, c’était inutile, une partie de ma pensée, la partie louve, courait ailleurs, avec ce bout de phrase dépassant de sa gueule. »

Étrangement, Boizéro semble être le lieu où tout commence et s’achève à la fois, point magnétique attirant les voyageurs perdus et sensibles. Il change ses visiteurs au plus profond d’eux même, inspire une musique du silence qui se joue sur des instruments sans cordes, ou encore un ultime quatuor qui résonnera peut-être jusqu’au bout des étoiles. C’est un endroit de lâcher-prise et de reconnexion.

« Qui ne s’en souvient sans angoisse ? D’autres artistes se turent également à la même époque. Massivement. Inexplicablement. Une épidémie inquiétante, et sans précédent, quelque chose d’incompréhensible, se produisit alors sur la terre.
L’Art, la poésie, se mirent soudain à disparaître. »

Pierre Cendors écrit un roman vaporeux et mélancolique, sous fond de science-fiction. On y trouve une humanité en lutte contre ses origines, plongée dans une crise écologique et spirituelle et qui fait sensiblement écho à notre présent. Il tisse avec subtilité des points entre les époques, les protagonistes et le lecteur, faisant de L’énigmaire un livre envoutant, un roman monde qui éveille étrangement la mélancolie d’une époque à venir.

« En plus haut degré dans une passion en est le coût. Il est élevé, comme tout ce qui est sans prix. »

Pierre Cendors L'énigmaire image

Quidam éditeur
227 pages
Caroline

À propos Caroline

Chroniqueuse

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