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Emma Goldman

Top 5 2018 – Paco

Difficiles de classer toutes ces belles lectures faites en l’espace d’un an. Difficile aussi d’en mettre certaine sur le même article, tant elles divergent sur la forme ou la thématique. C’est pourquoi j’ai eu envie de faire un article thématique, de rassembler des lectures éparses dont le lien, fil ténu, est l’écriture de l’intime. Se raconter, par l’autobiographie, l’essai, l’analyse…
Certaines furent de gigantesques révolutionnaires, figures anarchistes légendaires de l’amérique à la russie. D’autres de parfaites inconnues, campagnardes autonomes, frappé jeune par le cancer.
On trouvera des faussaires apatrides, des intérimaires, cordistes laminé par le travail. Des train-train du quotidien qui déraille, des ingénieurs informatiques qui font brûler des voitures de flics, des destins brisés par la férocité de l’époque.

Des livres mêlant littérature, histoire et sociologie, qui rappelle que chaque destin est à la fois hors-norme et terriblement commun.

 

Vivre ma vie, une anarchiste au temps des révolutions, Emma Goldman, Ed. L’échappée

Un grand évènement pour l’histoire du mouvement libertaire que la tant attendu publication de l’autobiographie de Emma Goldman “Vivre ma vie”, au édition l’échappée. 1000 pages de mémoires d’une vie de tumultes, de luttes et d’exil entre l’amérique, la russie et l’europe.
Née en 1869 en Russie, Emma Goldma s’exile aux Etats-Unis à l’age de 16 ans. Très rapidement, elle se retrouve dans la tourmente du milie anarchiste américain, quelques années après l’assassinat des martyrs d’Haymarket Square.
S’ensuivra une multitude de meetings, de passage en prison, de rencontres et de remise en question.Un livre important qui même moment d’intimité, de vie quotidienne tantôt poétique et sensible, et des moments de bravoures révolutionnaires, ôde à la révolte et à la liberté.

Vous tous, hommes et femmes, ne voyez-vous pas que l’État est votre pire ennemi ? C’est une machine qui vous broie pour préserver la classe dominante, vos maîtres. Comme des enfants naïfs, vous vous fiez à vos dirigeants politiques. Ils abusent de votre confiance pour vous vendre aussitôt au premier venu. Mais même en dehors de ces trahisons directes, vos responsables politiques font cause commune avec vos ennemis pour vous tenir en laisse, pour vous empêcher toute action directe. L’État est le pilier du capitalisme, et il est ridicule de compter sur lui pour un quelconque secours.

 

N’Drea, Andréa et Os Cangaceiros, Ed du bout de la ville

En 1985, Andréa apprend qu’elle a un cancer. Elle se résigne à subir une multitude d’opérations, rayons et chimios, qui la fatiguent lourdement. C’est lorsqu’on lui annonce quelque temps plus tard que cela n’a servi à rien, et qu’il ne lui reste plus que des traitements expérimentaux à tenter, qu’elle perd l’espoir de guérir. Elle abandonne tout soins, romp radicalement avec le milieu hospitalier et décide de repenser sa vie pour la vivre au maximum, et garder le choix de sa mort.
Dans son journal et ses deux lettres, l’une adressé aux service hospitalier, l’autre à son amie Bella, elle nous emmène dans ses réflexions radicales sur le monde, le cancer, la société capitaliste et son emprise sur le système de santé français.

Accompagnée de ses ami·e·s dans son combat et son mode de vie autonome, elle décedera le jour choisi par elle, le 15 aout 1991.

Bella,
Finalement, j’ai envoyé toute chimio, présente et à venir, aller se faire foutre ensemble. Basta ! Ils feront leurs petits bidouillages expérimentaux sans moi. Et puis merde ! A chaque handicap, l’humiliation mute qualitativement, comme un poids moral que je devrais accepter en supplément. Il ne me reste plus que la liberté d’esprit, et cellle-lllà est à prononcer avec l’accent de Marseille. Cette maladie m’est imposée, soit ! Mais j’aurai le dernier mot. Cette simple idée donne une sacrée satisfaction mentale ; tout en sachant par avance le prix d’un choix qui n’en est pas franchement un. Merde à la grosse putasse d’idée Economie ! (hey ! j’vous rallonge pour un an, vous pourriez me r’mercier…) pas question de vivre à mi-temps.

 

Adolfo Kaminsky – Une vie de faussaire, Sarah Kaminsky, Ed.Livre de poche

 Adolfo Kaminsky fut enfant dans la campagne française pendant le seçonde guerre mondiale. Employé chez un teinturier comme apprenti, il se spécialise assez vite dans l’élimination des taches d’encres. C’est sur cette qualification que la résistance Française lui demandera un jour de retirer l’encre d’un papier officiel afin de modifier un nom. Ce qui sera son premier pas dans le monde des faussaires, un monde qui sera le sien toute sa vie, et dont il modifiera radicalement les méthodes.

U
ne autobiographie trépidante d’un homme qui, sa vie durant, aura officié comme faussaire pour l’indépendance des peuples, sous l’occupation allemande, pendant la guerre d’Algérie, et durant de nombreuses luttes d’indépendances. Un portrait sous forme de discussion entre sa fille et lui, sincère et poignant, d’un homme intègre et révolté.

« Rester éveillé. Le plus longtemps possible. Lutter contre le sommeil. Le calcul est simple. En une heure, je fabrique trente papiers vierge. Si je dors une heure, trente personnes mourront… »

 

On a perdu Quentin, Eric Louis, Ed. Du Commun

Eric Louis est cordiste. Il travaille la plupart du temps à l’intérieur d’un silo industriel, dans une quasi obscurité, dans la poussière et la chaleur devenant vite intenable. Suspendu, il effectue des travaux en hauteur, ou dans des endroits difficiles d’accès.
Dans de courts chapitres, Eric Louis nous raconte des instants de vie partagés, parfois tendre et poétique, parfois extrèmement dur. D’un café bu ensemble tôt en haut d’un silo à la mort accidentel d’un jeune intérimaire, voici le quotidien brossé d’une vie parmi d’autres.

Dans ces deux courts textes, il raconte son quotidien de travailleur précaire, intérimaire. Un portrait court et puissant d’une vie de prolétaire où les amitiés se nouent sous les brimades des patrons. Les conditions de travail sont exténuantes, c’est la routine d’une semaine consacrée à un travail abrutissant.

Il n’était pas gros Quentin, mais qu’est-ce qu’il me paraît lourd ! Pourtant nous sommes quatre à porter le cercueil. J’avais eu la même sensation, il y a quelques années. J’épandais alors les cendres de mon dernier frère sur le terrain de foot d’un petit village niché tout en haut de la Haute-Normandie. Je pensais que c’était l’urne. Mais celle-ci une fois vidée ne pesait plus rien ! Je ne m’en suis pas remis. Que si peu de cendres puissent peser autant.

 

Radicalisation express, du gaulisme au blac bloc, Nicolas Fensch, Ed. Divergences

Voici un titre qui ne manque pas d’interpeller.
La vie et le parcours de Nicolas Fensch sont à l’image du titre, perturbant.
Comment cet ingénieur informatique de 39 ans, en burn-out, s’est-il retrouvé, le 18 mai 2016, à frapper un policier avec une barre en plastique, devant une voiture en feu. Venant d’une famille catholique relativement conservatrice, militant gaulliste dans sa jeunesse, dépolitisé par la suite, Nicolas Fensch participera à sa première manifestation par hasard, seulement trois semaines avant son arrestation, quai de Valmy. Condamné à 5 ans à la prison de Fresnes, il nous raconte dans ce court ouvrage son parcours, le développement ultra rapide de sa pensée et sa prise de conscience d’une violence politique hors-norme.

Entre récit et essai, vécu de prison et d’émeute, ce livre, en ces temps de révoltes sociales, aide à penser le présent.

Les affrontements entre la police et les manifestants, même si les mutilations que nous subissons sont réelles, restent avant tout de l’ordre du symbolique. Personne ne cherche à « tuer du flic », ça n’a pas de sens et ce n’est pas ce que cherche les gens, ce n’est pas ce que je cherche. Il s’agit de faire reculer l’État, en combattant un projet de réforme ou dans la rue, en affrontant son bras armé qu’est la police.

À propos Paco

Chroniqueur

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2 Commentaires

  1. Des choix qui donnent tous envie de lire!
    C’est ma 1ère fois, je reviendrai!
    Au plaisir,

  2. Belles lectures, à donner du peps (un peu la rage, la tristesse aussi de voir trop de perdants).

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