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Une interview de Nathaniel Rich

Comment est né ce roman ? Quel fut son point de départ et surtout, l’écriture du roman vous a pris combien de temps ?

L’idée originale est venue lors d’une conversation avec un ami du collège – parisien maintenant. Il travaillait alors pour un cabinet d’avocats à Wall Street. Il m’expliquait que le 11 septembre a rendu impossible pour les entreprises d’obtenir une assurance contre les catastrophes. Ils avaient commencé à recourir à diverses sortes d’astuces juridiques cyniques afin de se dédommager de catastrophes futures. Cette idée est devenue la graine pour « Future World », la société dans le roman.

J’ai écrit la première ébauche en un an et retravaillé le texte pendant quatre ans. J’ai toujours été très inquiet qu’un ouragan, comme celui que je décris dans mon roman, frappe New York. Et puis ça s’est produit quelques mois avant la publication de mon livre.

Dans votre roman, le 11 septembre 2001 n’apparaît pas, du moins n’est pas évoqué. Est-ce un choix volontaire de votre part ? Y-a-t’il une volonté de passer outre ? Ou souhaitiez-vous créer un univers sans cet évènement ?

Il y a quelques références mais sans être nommé. C’était volontaire. Le 11 septembre est un symbole fort pour les lecteurs, particulièrement pour les lecteurs américains, alors que je voulais seulement fournir un divertissement. Je me suis inquiété, par exemple, d’atténuer le ton et de rendre toute tentative d’humour impossible. Comme je le disais, la tragédie hante l’histoire. Il définit également que les circonstances de l’intrigue se produisent.

La scène d’ouverture, qui se passe au collège durant le tremblement de terre de Seattle, est un compte rendu assez précis de ma propre expérience du 11 Septembre 2001. Je me suis assis dans une salle de conférence de littérature russe quelques minutes après que les tours se soient effondrées. Notre professeur n’a pas pensé que l’attaque valait la peine de discuter et à la place, il nous a montré des diapositives sur le jardin de Pouchkine.

Votre roman est un mélange de genres, Nature Writing, Post-Apo, roman satirique new- yorkais… Aviez-vous volontairement eu l’envie de mélanger les genres, ou est-ce le roman qui a imposé cette contrainte ?

J’ai essayé avec acharnement d’éviter de m’enfermer dans un genre. Quand nous parlons de genre, nous parlons vraiment de série de clichés, et rien n’est plus toxique pour la littérature que les clichés. J’ai essayé de déjouer les attentes du genre la où je les ai vues surgir. En particulier, je voulais éviter les péripéties que vous pouvez voir dans beaucoup de blockbusters post-apocalyptiques tels que « Escape from New-York ». Voilà pourquoi il n’y a pas d’énormes scènes d’esclandre de foule, d’explosions, de politiciens donnant des discours remplis d’émotions…. Nous restons centrés sur Mitchell et son point de vue, ce qui est assez limité. La plupart du temps, il est littéralement nimbé dans les ténèbres. C’est une vision à petit échelle d’une catastrophe à grande échelle, qui est de savoir comment, après tout, nous avons tous tendance à éprouver une catastrophe: en tant qu’êtres humains individuels avec nos propres angoisses, nos propres anxiétés.

Vous avez démarré votre carrière en tant qu’auteur d’essais, qu’est-ce qui vous a poussé à passer à la fiction ?

Je sais pourquoi vous pensez cela, mais cette perception est due au dates de publication et le temps qu’il m’a fallu pour écrire un roman. J’ai commencé par écrire un roman mais il fut publié bien après mon essai. J’ai commencé mon premier roman, « The mayor’s tongue », quand j’avais 22 ans. Il m’a fallu six ans pour le terminer et il a été publié en 2008 (il n’est pas encore paru en France). Pendant de ce temps, j’ai commencé à publier des essais. « Paris sur l’avenir » m’a pris cinq ans et a été publié aux États-Unis en 2013. Mon troisième roman est presque terminé, mais ne sera pas publié avant un certain temps.

Je pense que les allers-retours entre fiction et essai est une manière de s’aérer des deux formes. La fiction me permet aussi de m’échapper un peu de notre monde. Je pense que si je devais écrire des romans à temps plein je deviendrais fou. Et mes romans en souffriraient.

Qu’un simple analyste, mathématicien, se retrouve adulé tel un prophète, est-il le reflet d’une société américaine contemporaine en manque d’icône ?

Les américains vivent dans un état de paranoïa nationale. Nos craintes influencent (et dégradent) notre politique, la culture et notre économie. Je voulais écrire sur ce que cette paranoïa nous fait. Que faisons subir à notre cerveau pour être exposés quotidiennement aux nombreuses menaces que nous rencontrons dans la presse ou sur des supports non pas sociaux seulement, les menaces environnementales, mais aussi des nouvelles du terrorisme, de la guerre, l’effondrement économique, les épidémies, la violence armée, ce que vous voulez. A quoi peut servir la peur? Qui sert-elle? Mais surtout, ce que ça nous fait et l’impact sur notre vie privée.

Nous assistons, depuis l’Europe à une émergence d’auteurs américains à la qualité littéraire plus exigeante, et osant mélanger les styles tout en revenant à une narration plus linéaire, je pense à Adam Novy, Ben Marcus ou vous. Comment peut-on expliquer l’émergence de cette vague d’auteurs ?

Je ne connais pas la réponse. Je soupçonne que l’intérêt européen pour ces romans reflète les goûts européens, mais il est difficile de généraliser pour un continent. Je crois savoir qu’en France, au moins, il y a un plus grand appétit pour les romans qui débattent sur de grandes idées. Aux États-Unis, le marché semble orienté vers des romans qui distraient de la réalité ou flattent notre époque.

Pour finir quels sont les auteurs qui vous ont le plus influencé ?

Martin Amis, Don DeLillo, Mikhail Bulgakov, Jane Bowles, Charles Dickens, Stephen King, Flann O’Brien, John McPhee.

À propos Ted

Fondateur, Chroniqueur

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