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Caroline Deyns Trencadis Niki de Saint Phalle couverture

Caroline Deyns – Trencadis

Fusil sur l’épaule, Niki de Saint Phalle tir et explose les poches de peinture cachées derrière les couches de plâtre immaculé. Éclatement de couleurs, feux d’artifice que l’on retrouve aussi dans ses célèbres Nanas, géantes, dansantes et débordantes de vie. Mais Niki de Saint Phalle c’est également la série des Mariées ou encore Accouchement rose, où le corps de la femme est tortueux et presque effrayant. Enchevêtré dans des amoncellements d’objets blanchis et organiques, dévorants, de voiles dentelés comme autant de toiles d’araignées poussiéreuses.

Fragilité, dépression, force, exubérance, passion… Des bouts de vie, celle de l’artiste plasticienne, que Caroline Deyns place les uns à côté des autres. Des morcellements d’une faïence précieuse, d’une femme née dans une famille d’aristocrates où le vernis éclatant laisse place à la crasse quand on gratte du bout de l’ongle. Mère violente et père violeur : voilà le cocon familial de la petite Niki. 

Les souvenirs hantés de son père et de l’inceste qu’elle a subi, son refus du carcan de femme mariée, mère au foyer et de toute la panoplie bien comme il faut de la dame bien fréquentable, voilà ce qui entre autre nourrit son travail. C’est une artiste féministe, libre au quotidien malgré des souvenirs poisseux. Sa folie est nourricière, devient la base de ses œuvres dans lesquelles elles plongent les mains et le cœur, comme elle le fait avec Tinguely. Éphémères ou bien pérennes, ses sculptures communiquent et parfois même se visitent, invitent à se cacher en elles comme dans un retour dans l’œuf.

Compliqué de saisir l’élan viscéral de cette femme, de mettre des mots (pas ampoulés, surtout pas) sur sa vie et sur son œuvre. L’un n’allant pas sans l’autre : thérapie, exutoire partagé au public.
Cependant, avec Trencadis Caroline Deyns remporte le défi haut la main, grâce à un travail de recherches titanesque, un sens du détail allant jusqu’à s’approprier l’espace, de jouer avec le corps, la respiration des pages, créant des calligrammes et ponctuant le texte de citations.

Cette biographie est fidèle, vivante, s’habille des couleurs et des motifs de Niki de Saint Phalle. L’écriture y est incisive ou bondissante selon l’état de santé mental ou physique de l’artiste.
Parfois on se surprend à être essoufflé, à manquer d’air, en symbiose avec Saint Phalle, nos poumons ratatinés comme les siens. À d’autres moments les couteaux brillent d’un éclat nouveau, le pointu et le coupant deviennent séduisants. Puis le regain d’énergie et la soif de vivre, de mordre et de se débattre reviennent avec brusquerie et bienvenue.
Car l’autrice ponctue son livre aussi bien d’arc-en-ciel que de noir profond, d’éclat comme de trouble. Elle en fait un tableau littéraire sur mesure où l’on découvre en parallèle l’artiste et son œuvre, une mosaïque à partir d’éclats multiples et épars, alternant calme et fracas dans une cohérence chaotique et musicale. 

Trencadis est brusque, monumental, sombre et bariolé : c’est Niki de Saint Phalle dans un livre. 

Caroline Deyns Trencadis image

Éditions Quidam 
364 pages
Caroline

À propos Caroline

Chroniqueuse

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