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Catel & Bocquet- Kiki de Montparnasse

Une femme de dos, un turban sur la tête et des ouïes de violon dessinées au dessus des hanches. On devine un profil, un nez à la Cléopâtre. Ce profil si célèbre, c’est celui de Kiki, la grande Kiki de Montparnasse, reine de Paris qui a marqué la France des années folles.
Dans ce roman graphique, Catel et Bocquet (Joséphine Baker) retracent la biographie de cette figure féminine mémorable qui a gravité dans l’époque tumultueuse de l’entre deux-guerre et qui a été une Muse pour de nombreux artistes renommés.

Kiki de Montparnasse, de son vrai nom Alice Ernestine Prin, est née en 1901 à Châtillon-sur-Seine, d’une mère typographe. Sans père attitrée elle sera élevée par sa grand-mère, femme ouverte et pleine de bonté qui restera une figure majeure dans la vie de Kiki. A 13 ans, elle rejoint sa mère sur Paris pour gagner son pain et trouver un emploi, mais son fort caractère un peu mal-dégrossi fait qu’elle accumule les licenciements et les démissions. Au hasard d’un travail de vendeuse en boulangerie, elle reçoit l’invitation d’un sculpteur a devenir modèle. Ce sera le déclic, puisque’à la suite de cela elle rencontrera les peintres Soutine, Amedeo Modigliani et Maurice Utrillo entre autres. A cette époque, les gens l’appellent encore Alice et c’est le peintre Maurice Mendjisky, avec qui elle vit une histoire d’amour, qui l’a surnommera Kiki.

En ce temps là, être modèle était synonyme de catin, de frivolité et de mauvaise vie. Ainsi sa propre mère lui tournera le dos lorsqu’elle découvrira le milieu dans lequel évolue sa fille. Mais Kiki a trouvé sa voie et un univers où les gens ne jugent pas ses excès de folie et ses coups de sang. Elle peut être elle-même, s’assumer, vivre comme lui bon lui semble car elle s’est trouvé de véritables alliés qui la nourriront intellectuellement, artistiquement et amicalement.
Foujita, Cocteau, Duchamp… Autant de noms qui ont marqué l’Histoire de l’Art et la vie de la reine de Montparnasse. Elle sera partout, dans toutes les soirées mondaines, présente aux événements Dada, mouvement artistique, intellectuel et littéraire très controversé à l’époque qui remet en question aussi bien les convenances et carcans politiques, sociétales et idéologiques.

 

Mais c’est Man Ray, peintre et photographe, qui sera le grand amour de Kiki de Montparnasse. Ils se rencontreront en 1921 et vivront une relation tumultueuse et houleuse, à la limite du passionnel, vivant en chassé-croisé. C’est à lui que l’on doit Le Violon d’Ingres mais aussi de nombreuses photographie et toiles de son amante-muse.
Fidèle à son indépendance, la jeune femme connaitra d’autres amants, jalousant parfois la relation qu’entretient Man Ray avec son travail et ses oeuvres, elle n’hésitera pas à aller valser entre d’autres bras lorsque son coeur lui fera trop mal.

Dansant et chantant sur les tables des bars, Kiki de Montparnasse assume ses formes et sa féminité. A travers le roman graphique de Catel et Bocquet, on découvre une femme sensible cachée derrière cette carapace bariolée. Issue d’un petit village, Kiki a connu la prostitution, la misère et a sombré de nombreuses fois dans l’alcool et les drogues, qui lui couteront d’ailleurs la vie. Grande gueule au coeur d’or, elle reste une éternelle amoureuse, fidèle à ses amis et attentive aux plus démunis même lorsqu’elle finira elle-même dans une déchéance totale. Son caractère insatiable et aventurier l’a faite voyager jusqu’aux Etats-Unis à la suite d’un flirt, où elle aurait pu endosser le rôle de Cléopatre, à Berlin où elle avait son propre numéro de cabaret et bien sûr à travers la France. Aussi bien Muse qu’artiste, elle est l’auteur de tableau au style naïf et coloré dans lesquels elle dépend des scènes de son enfance, chanteuse triviale et joyeuse, danseuse compulsive à la joie de vie débordante et contagieuse.

 

Kiki de Montparnasse, malgré son titre proclamé de reine de la nuit, n’a jamais oublié d’où elle venait et restera toute sa vie durant une femme sensible et généreuse, un vrai coeur d’artichaut errant d’hommes en femmes à la recherche de l’Amour véritable qu’elle mérite. Artiste au milieu des artistes, elle connaitra une vie tumultueuse, se prendra des coups mais se relèvera toujours le sourire aux lèvres.

Catel et Bocquet nous font découvrir une nouvelle fois la vie d’une femme hors du commun, qui a su croquer la vie à pleine dents à une époque où le patriarcha et les préjugés envers la gente féminine étaient encore plus corrosifs qu’à présent. Féministe, libérée, Kiki de Montparnasse a fait polémique durant sa vie et fait encore parler d’elle de nos jours.
Avec délicatesse et soucis du détail, le duo d’auteurs nous livre une vie haute en couleur, éclatante, retranscrite avec un trait noir et blanc vivant et une narration fidèle et marquante du Paris bohème des années 20.

Editions Casterman
Collection écritures
408 pages
Caroline

À propos Caroline

Chroniqueuse

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