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Elle est pas belle, la vie? Kurt Vonnegut

En plus d’être un des auteurs américains les plus originaux, populaires et talentueux du XXème, Kurt Vonnegut a été un orateur très demandé. Discours de remises de diplômes dans diverses universités américaines, remises de prix et autres joyeusetés, la présence et les mots de Vonnegut étaient prisés, et on le comprend bien. On l’imagine bien seul capable de dérider et de mettre un peu de folie dans ces cérémonies combien figées et interchangeables les unes avec les autres. Denoël nous fait donc un joli petit cadeau sans prétention mais ô combien plaisant, et presque indispensable au vu du tournant pris par ce début d’année en éditant ce recueil de 9 discours, augmenté d’un petit pot pourri de citations vonnegutiennes. On y retrouve le cynisme et le franc parler de l’auteur, son intelligente absurdité et sa pensée humaniste. Il distille au fil de ces discours, devant, on l’imagine, des parterres d’étudiants d’universités plus ou moins prestigieuse en robes noires et chapeaux plats pendus à ses lèvres, ses pensées sur la vie, la politique, le monde, l’enseignement et la littérature. Un professeur qui a marqué plus que les autres le parcours scolaire, la facilité avec laquelle les dirigeants (politiques comme industriels) envoient au casse-pipe les citoyens sans bouger de leurs fauteuils, l’importance d’être entouré, de se recréer, en temps qu’individu et membre d’une société, des rites de passage qui manquent tant aujourd’hui… Et surtout, cette ritournelle qui lui vient d’Alex, son oncle, qu’il faut professer à chaque instant de plaisir, de bonheur furtif et facile: « Elle est pas belle, la vie? »

” Les membres de votre promotion ne sont pas endormis, ne sont pas sans énergie, ne sont pas apathiques. Ils s’appliquent simplement à agir sans haine. La haine est la vitamine absente, le minéral absent de leur régime, ils ont parfaitement compris que la haine, à long terme, était aussi nourrisant que le cyanure.”

Vonnegut aura eu pour le moins un parcours atypique. Né au début des années 20 il aura le malheur de servir pendant la 2nde guerre mondiale, d’y être fait prisonnier et de vivre et survivre au terrible bombardement de Dresde par l’armée américaine, enfermé dans le maintenant célbre abattoir 5. Je ne peux m’empêcher de penser, à chaque fois qu’Abattoir 5 me vient en tête, à un autre homme présent à Dresde à ce moment là, enfermé pour d’autres raisons, dans un autre camp. Victor Klemperer, philologue et auteur, entre autre, de Lingua Tertii Imperi, un essai qui analyse la langue nazie. J’imagine ces deux hommes, dans la quiétude de Tralfamadore entre deux lâchers de bombes incendiaires discuter le bout de gras en attendant que ça passe, un coup jeune, un coup vieux. Qu’auraient-ils pu se dire? L’homme qui a préféré, dit-il, rester en RDA vivre avec les rouges plutôt que vivre à l’ouest avec les anciens bruns, et l’homme qui s’est vu montré en porte-parole, représentant de la contre-culture américaine des années 60, quand il aurait pu être le représentant de la contre-contre-culture américaine, en y réfléchissant bien?
Ce qu’ils se seraient dits restera dans les cales sombres et merveilleuses du paradis des rencontres ratées, mais on peut connaître désormais la bonne parole que prêchait Vonnegut auprès des étudiants américains. Et elle fait du bien.

“Chères générations futures: acceptez nos excuses. Nous vrombissons ivres de pétrole.”

On a toujours besoin d’un peu de Vonnegut avec soi, d’autant plus quand l’obscurantisme et la bêtise crasse étendent avec facilité leurs griffes aux quatre absences de coins du monde. Alors ne nous faisons pas prier et lisons Vonnegut!

“Elle est pas belle, la vie?

vonnegut elle est pas belle la vieEditions Denoël
153 pages, postface de Dan Wakefield
traduit par Guillaume-Jean Milan

Marcelline

À propos Marcelline

Chroniqueuse/Co-Fondatrice

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