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Guillaume Artous-Bouvet - Tantris ; Glacis

Guillaume Artous-Bouvet – Tantris ; Glacis

La poésie de Guillaume Artous-Bouvet peut paraître au premier abord d’une illisibilité impossible à dépasser, inscrite dans une modernité qui éloigne les lectrices et lecteurs de cet art bien souvent délaissé. Mais lorsqu’on s’aperçoit de ce qui compose son travail poétique, on lit chez Guillaume Artous-Bouvet le chant de la littérature, un chant venant du creux des pages des livres, composant une mélodie saccadée, qui délivre les arômes si étrangement entêtant des écritures passés. Que ce soit dans Tantris ou dans Glacis, cette poésie cherche à délivrer une oralité des pages d’une littérature hantée par la voix.

En effet, dans Tantris paru aux Éditions Tituli, l’ouvrage se compose à partir d’un épisode de Tristan et Iseut. Guillaume Artous-Bouvet traduit la langue de Tristan, transformé en fou nommé secrètement Tantris qui tente de dire son amour pour Iseut dans une langue cryptée. Ce n’est pas seulement cette folle langue que l’on entend ici, mais toute une tradition de la littérature provenant de cette époque médiévale, qui déguise les mots pour les travestir, leur donner un aspect polysémique. Il n’est pas nécessaire ni d’être un spécialiste de Tristan et Iseut ni même d’avoir lu ce grand classique, pour apprécier l’effort du poète.

Dans Glacis, paru à La rumeur libre Éditions, où l’on retrouve aussi Bêtes sans dieu et Fungi, on voit ce même procédé, cette même volonté de construire le chant de la littérature. Il faut chercher sur internet pour déceler l’essence de cet ouvrage, ici sur le site Poezibao où sont retranscrits les propos de Guillaume Artous-Bouvet :

« Dans sa première partie, Glacis, je convoque certains des incipit de la Comédie humaine, pour en éprouver l’ambition inquiète de dire les lieux humains. Dans Bêtes sans dieu, je tente de raviver le Bestiaire divin (1210) de Guillaume Le Clerc de Normandie, où se déploie le pluriel émerveillé des formes animales. Fungi enfin se laisse dicter par la séquence de 36 sonnets intitulée Fungi de Yuggoth, dans laquelle Lovecraft suscite fiévreusement un monde ténébreux de jardins fongoïdes et de cités sans fenêtres. »

Avec cela en tête, la lecture de Glacis, de Bêtes sans dieu et de Fungi se fait comme en écho à cette littérature lu ou non, peu importe. Ce qui importe ici est le travail ciselé du poète, qui dans chaque mot savamment choisi tente de donner une voix ou plutôt un bec à la littérature, comme pour entendre son oralité, sa vocalité qui se fait entendre autant en tête qu’en dehors. Ces blocs de vers qui se compose et se décompose produisent un étourdissement savoureux et chaque lectrice et chaque lecteur peut en faire l’expérience sans trop de difficulté.

S’il est nécessaire de souligner l’accessibilité de la poésie de Guillaume Artous-Bouvet, c’est qu’on pourra très vite le ranger dans une catégorie de poète de l’illisibilité, qui est un véritable courant, étudié et réfléchit comme tel. Mais nous pourrions faire le pari que cette illisibilité n’empêche rien, elle ne cloisonne pas la poésie à une marginalité subie. Si nous pouvons inviter le lectorat à se pencher et savourer la poésie de Guillaume Artous-Bouvet, c’est justement que l’illisible peut être vécu comme un au-delà de la poésie, où la vocalité se fait entêtante et incite à creuser la difficulté pour en savourer son essence.

Dans ce chant de la littérature, Guillaume Artous-Bouvet restitue ce qui fait la saveur plus ou moins épicé d’une écriture, que ce soit le sombre monde de Lovecraft dans Fungi ou la vision sociale de Balzac dans Glacis. Il n’est pas nécessaire d’avoir tout lu, ni d’étudier les lettres pour saisir ce que cet effort produit : la sensation d’avoir avalé toutes les écritures du monde lors d’un joyeux festin turbulent.

 

Guillaume Artous-Bouvet - TantrisTantris

Éditions Tituli

68p

 

 

Guillaume Artous-Bouvet - Glacis

Glacis

La Rumeur Libre Éditions

178p

 

 

Adrien

À propos Adrien

Passionné de poésie contemporaine et attaché à l'écriture sous toutes ses formes, engagée ou novatrice.

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