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Hédia – Les livres, l’univers et le reste

Il m’aura fallu un déménagement à l’autre bout de l’Europe pour avoir à trancher cette épineuse question : si tu ne devais emporter qu’un nombre (très) limité de livres… Vous connaissez la suite.

Voici donc 10 de ceux que je ne pouvais décemment pas abandonner dernière moi, et qui m’ont suivie dans leur version papier, parce qu’il m’était impossible d’envisager une bibliothèque sans leur présence.

Une liste bien évidemment à la fois complètement subjective et parfaitement non exhaustive…

J’ai toujours ton cœur avec moi - Soffía BjarnadóttirJ’ai toujours ton cœur avec moi – Soffía Bjarnadóttir,
traduit de l’islandais par Jean-Christophe Salaün –  Zulma

Il s’agit du premier roman de l’écrivaine islandaise. Un texte fantasque et poétique dans lequelle elle raconte le deuil d’une jeune femme qui vient de perdre sa mère et qui retourne dans la maison familiale après plusieurs années passées loin de l’Islande.

L’héroïne se frotte à ses souvenirs, à ses peurs, se remémore la folie maternelle et panse les plaies de son enfance. C’est un très beau roman lyrique et délicat qui raconte l’errance, la solitude et la renaissance.

La chronique du livre est par ici.

 

Notre besoin de consolation est impossible à rassasier – Stig Dagerman,
traduit du suédois par Philippe BOUQUET– Actes Sud

Beaucoup de lecteurs français ne connaissent Dagerman que par ce texte qui est une spécificité de l’édition française. En effet, à l’origine, « Vårt behov av tröst är omättligt » faisait partie d’un recueil intitulé Dikter och dagbok (Poésies et Journal intime) publié par l’éditeur et critique littéraire Olof Lagercrantz. C’est Actes Sud qui décide en 1981 de le publier seul.

Il n’empêche que c’est une très belle façon d’entrer dans l’univers complexe et ambivalent de l’auteur suédois. Court texte, pas vraiment essai, plutôt testament, à la fois intime et à la portée universelle, Notre besoin de consolation est un condensé de la puissance créatrice de Dagerman, de sa lucidité, de la grandeur de son écriture.

En plus de lire le texte, vous pouvez également l’entendre en intégralité ici : https://www.youtube.com/watch?v=lTxBfk58X5

 

La nuit volée – Torborg Nedreaas,
traduit du norvégien par Bibbi Lee & Simone Manceau – Cambourakis

Une jeune femme aborde un homme dans une gare et entreprend d’épancher ses souvenirs. Si on peut avoir, au début, quelques difficultés à entrer dans le récit de Torborg Nedreass, une fois l’inconnue lancée son histoire devient absolument captivante et le lecteur est largement récompensé pour sa ténacité.
C’est toute une vie qui se déroule sous nos yeux. Le destin brisé d’une jeune femme de classe ouvrière au milieu du 20ème, et à travers elle, la condition de la femme, la question de l’avortement, la violence du monde ouvrier. Grâce à ce personnage lucide et direct, le texte éclaire intelligemment les liens entre les origines sociales et la violence, notamment la violence faite aux femmes. Un texte passionnant, éminemment politique et féministe.

 

Le palais de glace – Tarjei Vesaas,
traduit du nynorsk par Jean-Baptiste Coursaud – Cambourakis

Le palais de glace raconte l’histoire deux petites filles et de leur rencontre, au cours de laquelle quelque chose, au-delà des mots, a lieu.

Le palais de glace raconte une disparition, le silence, l’incompréhension, la perte. On y admire l’hiver, la glace, la forêt, les ombres, le printemps, la lumière, la nature. Vesaas est un maître incontesté de la suggestion, il contemple, il accompagne, il affleure, sans jamais trahir les mystères de ses personnages.

Palais de glace est un chef d’œuvre. Magnifique, émouvant, étrange.

Pour en savoir plus, la chronique de Marcelline est ici.

 

Alphabet – Inger Christensen,
traduit du danois par Janine et Karl Poulsen  – Ypsilon Editeur

Recueil de poème publié d’abord en 1981, puis en 2014 dans une édition bilingue, Alphabet fait partie de ce qu’on appelle en danois «systemdigtning», c’est à dire la poésie systémique. Il s’agit d’une forme de poésie basée sur des systèmes formels qui viennent structurer de manière rigoureuse l’ensemble du texte. Ainsi, la construction d’Alphabet suit de manière rigoureuse et mécanique deux contraintes : la première, comme son titre l’indique, l’alphabet, la seconde est mathématique, puisqu’il s’agit de la suite de Fibonacci.

Le recueil de Christensen est fondé sur le contraste entre ce qui est déterminé, listé, et ce que la poésie convoque. Le langage devient donc le point de contact entre la vie biologique et le monde poétique qui se déploie dans toute sa mélancolie.

Disant, avec une grande sobriété, la responsabilité de l’homme dans son propre anéantissement, Inger Christensen déploie également une multitude d’images, de souvenirs, de réminiscences qui font surgir, avec une grande force, un monde, le nôtre, qui vit entre ces pages, depuis sa création jusqu’à sa destruction.

Un recueil saisissant, à découvrir.

 

Le grand cercle – Conrad Aiken,
traduit de l’américain par Joëlle Naïm – La Barque

Formidable roman psychanalytique avant l’heure, Le grand cercle, composé de 4 grands chapitres comme 4 mouvements musicaux, revient Le grand cercle - Conrad Aikensur l’histoire d’Andy. Andy qui veut surprendre sa femme infidèle, Andy qui rejoue malgré lui une histoire déjà écrite.

Conrad Aiken propose ici un roman virtuose, à l’architecture minutieuse, aux multiples changements de registres et clins d’œil aux grands classiques.

Dans un récit tragi-comique il explore avec brio le tourment intérieur d’un homme et la question des mécanismes de la répétition le tout dans un travail d’orfèvre, minutieux, réfléchi où rien, même pas la moindre ponctuation, ne semble avoir été laissé au hasard.

 

Dans les eaux profondes... Sara LövestamDans les eaux profondes – Sara Lövestam,
traduit du suédois par Esther Sermage – Actes Sud

Malte, petit garçon attachant et négligé par sa mère, devient, sans vraiment comprendre les enjeux de ce qui lui arrive, la cible d’un prédateur sexuel. Il pressent bien que quelque chose ne tourne par rond chez cet homme qui propose sans cesse de prendre soin de lui, de le garder. Mais Malte n’a pas les mots et les adultes autour de lui font cruellement défaut.

« Malte ne sait pas quoi faire. Peut-on dire à quelqu’un de gentil d’arrêter de vous serrer dans ses bras ? »

Le récit, très angoissant mais complètement captivant, est à la fois d’une grande intelligence et d’une belle finesse. Il évite les écueils du voyeurisme pour se concentrer sur la psyché de ce petit garçon. Sara Lövestam interroge sur les questions de normalité et de perversion et déconstruit méthodiquement les clichés.

Pour en savoir plus, la chronique est ici

 

≈ [Presque égal à] – Jonas Hassen Khemiri,
traduit du suèdois par Marianne Ségol-Samoy – Editions Théâtrale
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Dans la Suède contemporaine, capitaliste, le marché de l’emploi est au plus mal. Jeune diplômé et d’origine étrangère, voilà tout le problème d’Andrej qui ne parvient pas à faire sa place dans la société. Les problèmes de place, Martina, Freya, Peter connaissent bien eux aussi. Chacun à sa façon essaye de rabattre les cartes d’un jeu profondément injuste.

La pièce de Jonas Hassen Khemiri, comme beaucoup de ses textes, critique vertement, mais avec humour, un modèle économique qui fait de la société une machine à broyer les individus.

« Maintenant, levez-vous et parcourez le monde pour le changer. »

 

Mécanisme de survie en milieu hostile – Olivia Rosenthal
Editions Verticales

olivia rosenthal mécanisme de survie en milieu hostile éditions Gallimard coll. verticalesÇa commence comme un roman post-apocalyptique mais ça n’en est pas un. Qu’importe. Dès les premières lignes nous voilà happés et maintenant c’est trop tard, alors on avance, sur des chemins sinueux, qui bifurquent, qui se devinent. On se délecte de ce récit protéiforme, étrange, inquiétant, fascinant, repoussant.

Ça parle de mort, beaucoup, ça regarde la mort bien en face et ça nous force à voir. Ça parle d’écriture aussi. Ça interroge les limites de la fiction.

On y admire enfin la beauté de la langue, tantôt froide, concise, factuelle, tantôt puissamment évocatrice, incarnée, et toujours irrésistible.

 

Sister – Eugène Savitzkaya,
travail graphique de Bérengère Vallet- Editions de l’œil d’or

Sister est un projet littéraire, théâtral et graphique imaginé par Hélène Mathon, écrit par Eugène Savitzkaya et illustré par Bérengère Vallet.Sister - Eugène Savitzkaya

Le texte, composé de 4 longs poèmes, explore la question de la schizophrénie en lui offrant à la fois un langage et un corps.

« Il est en miettes, en morceaux flottants, en fragments brisés. Il est en éclats qui se forment et se déforment comme au gré des vents, une fumée qu’un moindre souffle assemble et défait. »

C’est à travers le regard que la sœur pose sur son frère, à travers ses souvenirs, que l’on voit leurs chemins évoluer d’abord à l’unisson puis se séparer. Sensation d’irrémédiable perte. Mais la poésie décloisonne les mondes, montre qu’il peut y avoir quelque chose à accueillir, quelque chose de précieux, de beau, mais dans ce qui fait peur, même dans ce qui fait mal. Même dans la maladie.

La chronique est à lire par ici.

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